Un "lean management" qui lie santé et performance ?

Posté le 31 octobre 2013 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Le "lean management" – littéralement, "management maigre" – a des effets négatifs sur la santé, c'est sans appel selon une étude européenne qui a interrogé près de 20 000 travailleurs. Est-il possible de trouver un juste milieu entre compétitivité et santé au travail ? À partir de 2014, une version expérimentale d'un lean revisité sera testée dans la région toulousaine.

 

 Facteurs de pénibilité physique, intensité du travail, troubles musculo-squelettiques, stress et troubles psychologiques sont les variables de conditions et santé au travail analysées par une étude menée auprès d'environ 20 000 salariés européens. Résultat ? Le lean et le taylorisme se révèlent être les deux mauvais élèves. À l'instar des postures douloureuses et fatigantes, 43 % des salariés du lean revendiquent de telles souffrances contre 20 % seulement pour les travailleurs issus d'organisation dite apprenante, inspirée d'un modèle suédois. De quoi rester sceptique sur la démarche du lean… Quelles sont les raisons de ce constat et comment y remédier ? Le sujet, très controversé, a fait salle comble à Toulouse la semaine dernière : Carine Belin, chargée de mission du Midact (association régionale pour l'amélioration des conditions de travail de Midi-Pyrénées), a présenté les résultats de cette étude européenne menée par Antoine Valeyre au Centre de l'étude et de l'emploi, un laboratoire CNRS (voir le document joint).

 

La chasse au gaspillage du lean affecte la santé

Le lean a généralement pour objectif d'améliorer les performances de l'entreprise en agissant sur les tâches sans valeur ajoutée. Par exemple, les chefs d'entreprise tendent à faire la chasse au gaspillage de temps. Cela se concrétise par la suppression de déplacements ou de certains gestes jugés inutiles. Cependant, ces moments de creux, considérés improductifs aux yeux du client, peuvent représenter des espaces de respiration essentiels pour les salariés. La rationalisation du temps peut alors entraîner la perte du sens du travail chez le personnel, et ce au détriment de la productivité.

 

Juste milieu entre compétitivité et santé au travail

Le travail de chaque opérateur doit être considéré dans sa globalité, avec sa part d'aléas. Plutôt que d'imposer des normes strictes, mieux vaut proposer un repère de travail flexible au travailleur afin qu'il puisse user de son savoir-faire en cas d'imprévu. Par exemple, sur un poste donné, un salarié utilise systématiquement sa main droite. En cas de problème, il est intéressant qu'il puisse avoir une marge de manœuvre pour éviter toute complication telle que l'emploi de sa main gauche. Cette forme d'autonomie n'est pas prise en compte dans le lean. Seule l'autonomie de compétences (polyvalence des opérateurs, formation) est développée, mais de manière très cadrée.

 

L'ergonomie, oui, mais pas n'importe laquelle !

Tout comme l'autonomie, chaque concept peut être interprété de manière différente. Alors que le lean s'intéresse à l'ergonomie de la tâche d'un poste, le Midact préfère traiter l'ergonomie d'une situation de travail (coordination de postes, bruit environnant…). L'approche du Midact laisse plus de place à la variabilité, souvent estimée comme un coût pour l'entreprise. Mais selon Carine Belin, c'est justement dans le traitement de cette variabilité que les salariés peuvent construire des leviers de motivation ou développement des compétences propres, bénéfiques pour leur santé. Ainsi, l'entreprise gagne en performance.

 

Une action partenariale pour allier lean, performance et santé

Le lean est une trousse à outils qui peut avoir des effets pervers en cas de mauvais usage. Pour mieux en tirer les ficelles, le Midact et ses partenaires (CCI de Midi-Pyrénées, Direccte et Cram-MP), vont mener une action expérimentale dès 2014 avec dix PMI et PME de leur région. L'enjeu ? Élaborer une démarche lean améliorant la performance économique et sociale de l'entreprise. Un travail de terrain sera conduit pendant 18 mois par un binôme de sensibilités différentes : un consultant expert en lean et un ergonome.

Document joint : http://www.cee-recherche.fr/publications/document-de-travail/conditions-de-travail-et-sante-au-travail-des-salaries-de-lunion-europeenne-des-situations

 

Source (inforisque.info)

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