Sarkozy: Obliger les chômeurs à se former?

Posté le 13 février 2012 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

altLe président de la République propose d'obliger les demandeurs d'emploi à se former sous peine de ne plus percevoir d'indemnisation. Mais est-ce vraiment la faute des chômeurs s'ils ne peuvent pas se former? Décryptage.


Après les bénéficiaires du RSA, qu'il veut obliger à travailler 20 heures par semaine, les chômeurs. Nicolas Sarkozy est monté d'un cran dans sa guerre contre "l'assistanat". Dans une interview à paraître samedi dans le Figaro magazine, le chef de l'Etat, pas encore officiellement candidat à sa propre succession, propose ce qu'il appelle une "révolution": obliger les chômeurs à se former aux métiers en tension et accepter "la première offre d'emploi correspondant au métier pour lequel il aura été formé". Il souhaite "un nouveau système dans lequel l'indemnisation ne sera pas une allocation que l'on touche passivement" mais une "rémunération" versée "en contrepartie de la formation qu'il devra suivre".

Nicolas Sarkozy reprend là une vision du chômage et des chômeurs maintes fois exprimée. En avril 2011, il expliquait déjà qu'il avait le devoir envers "les salariés et les ouvriers qui travaillent dur" de "s'assurer que celui qui est au chômage et qui a des allocations grâce à la solidarité nationale fera tous ses efforts pour accepter une offre d'emploi". C'est d'ailleurs selon cette vision qu'il a fait voter, en août 2008, une loi sur les droits et devoirs des demandeurs d'emploi prévoyant, en plus de l'obligation de rechercher un emploi, celle d'accepter les offres correspondant à leur projet, sous peine de radiation temporaire après deux refus "sans motif légitime" d'offres dites "raisonnables".

Moins de 10% des chômeurs sont formés

"Nicolas Sarkozy vit-il en France ou sur une autre planète?, s'interroge Matthieu Angotti, directeur général de la Fnars (Fédération nationale des associations de réinsertion sociale). C'est comme s'il disait aux Soudanais qu'il sont obligés de manger, ironise-t-il. Mais le problème est qu'il n'y a rien à manger. Les chômeurs ne demandent pas mieux que d'être formés, mais il n'y a pas assez de formations et surtout pas assez d'emplois. C'est ça la réalité!"

Près d'un chômeur sur deux (44%) fait une demande de formation auprès de Pôle emploi, à peine 16% ont le feu vert et seulement 7% l'ont réellement effectuée après 6 mois, selon une étude de la Dares (services du ministère du Travail) basée sur des données de 2002 à 2004. Une tendance qui ne se dément pas aujourd'hui, selon l'Unedic. En 2009, 576 000 demandeurs d'emploi avaient entamé une formation d'une durée supérieure à un mois - soit 8% des demandeurs d'emploi, un chiffre en baisse de 5% sur un an, alors que le chômage était en forte hausse (plus de 400 000 nouveaux inscrits à pôle emploi). 40% des demandeurs d'emploi pour lesquels une formation a été prescrite ne sont toujours pas en formation six mois après.

Sur le fond, la proposition de Nicolas Sarkozy va dans le bon sens. Plus de 60% des bénéficiaires de formations financées par Pôle emploi sont en effet en emploi six mois après et les trois quarts ont accédé à un emploi au cours des 6 mois qui ont suivi. Pour plus de la moitié, le reclassement s'opère sur un contrat à durée indéterminée. Le problème est que Pôle emploi n'a pas assez de moyens pour former les chômeurs: l'organisme ne dispose que de 15% des offres de formation et que de 13% des fonds de la formation continue - soit 4 milliards d'euros sur un total de 31 milliards.

Un bilan désastreux sur l'emploi

"Nicolas Sarkozy met aujourd'hui l'accent sur la nécessaire formation des chômeurs, mais il omet de rappeler qu'il l'a mise a mal durant son quinquennat", fustige Maurad Rabhi, secrétaire confédéral de la GCT en charge des négociations au sein de l'Unedic. En 2009, le gouvernement a supprimé l'allocation de fin de formation (AFF), qui permettait aux demandeurs d'emploi de continuer à être indemnisés au-delà de leurs droits à l'assurance chômage jusqu'au terme de la formation.

Par ailleurs, l'Etat a par deux fois - en 2011 et en 2012 - ponctionné 300 millions d'euros sur le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP) pour financer ses propres actions. Or ce fonds, créé fin 2009, vient appuyer les dispositifs de formation pour les demandeurs d'emploi les moins qualifiés. Il devrait afficher cette année un déficit de 160 millions d'euros.

"En stigmatisant et en culpabilisant les chômeurs, Nicolas Sarkozy espère recueillir des voix des électeurs du Front national. C'est un jeu dangereux. Obliger les chômeurs à accepter une formation n'est en rien un politique publique efficace de l'emploi. Et cela ne doit pas cacher le bilan désastreux du président en la matière", accuse le responsable cégétiste. Avec 2,8 millions de chômeurs en décembre 2011 (4,2 millions de demandeurs d'emploi ayant exercé une activité réduite, soit un million de plus qu'en mai 2007), le chômage a explosé lors de sa présidence.

source: lexpansion.lexpress.fr

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