Rupture conventionnelle : la preuve de l'absence d'entretien revient au salarié

Posté le 19 décembre 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Toute rupture conventionnelle du contrat de travail suppose au moins un entretien entre le salarié et sa direction. Dans l'hypothèse où le salarié affirme que ce formalisme n'a pas été respecté, il lui revient la charge d'en rapporter la preuve.

Alternative au licenciement et à la démission, la rupture conventionnelle connaît depuis sa création en 2008 un vif succès (selon les dernières statistiques officielles, 188 850 ruptures ont été homologuées au premier semestre 2016). La rupture conventionnelle devant être le fruit d'un commun accord entre le salarié et son employeur, le code du travail prévoit une procédure minimum destinée à garantir la liberté de consentement des parties. En particulier, la rupture est subordonnée, sous peine de nullité, à un ou plusieurs entretiens (article L. 1237-12 du code du travail). Un arrêt publié le 1er décembre sur le site Internet de la Cour de cassation se prononce justement sur la preuve du non-respect de ce formalisme obligatoire.

Une rupture conventionnelle nulle faute d'entretien

Cette affaire concerne le responsable de l'informatique médicale d'un laboratoire pharmaceutique. En janvier 2011, le salarié signe une convention de rupture homologuée par l'administration, puis saisit les prud'hommes pour obtenir l'annulation de la rupture de son contrat. L'informaticien se plaint de ne pas avoir eu d'entretien avec l'employeur avant son départ.

Dans un premier temps, la cour d'appel fait droit à cette demande au motif que si "la convention de rupture mentionnait la tenue de deux entretiens, (...) l'employeur ne produit aucun élément matériellement vérifiable permettant d'en attester la réalité". Mais pour la Cour de cassation, les juges du fond ont commis une erreur en inversant la charge de la preuve : "Si le défaut du ou des entretiens (...) relatif à la conclusion de la convention d'une convention de rupture, entraîne la nullité de la convention, c'est à celui qui invoque cette cause de nullité d'en établir l'existence", déclare-t-elle. En d'autres termes, si le salarié affirme que la convention est nulle au motif qu'il n'a pas bénéficié du ou des entretiens obligatoires, il lui revient de prouver ce qu'il allègue. Pour sa part, la direction peut en premier lieu se contenter d'attendre la production de ces preuves en justice.

Se faire assister pour mieux se protéger

S'il apparaît a priori plus difficile de prouver l'absence d'événements plutôt que leur réalisation, on peut logiquement penser que la démonstration par le salarié qu'il n'y a pas eu d'entretien pourra se faire par la production de mails de la direction refusant ou annulant la rencontre dédiée à la négociation de la rupture conventionnelle, ou éventuellement la production de témoignages de collègues.

Surtout, il apparaît judicieux d'impliquer une personne extérieure. Pour le salarié, l'assistance par un tiers dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle est un droit (notre encadré ci-dessous). Or il est prévu que la qualité de l'assistant du salarié doit être clairement précisée dans le formulaire officiel de demande d'homologation et que celui-ci peut "compléter le formulaire d'informations ou de commentaires permettant d'apprécier la liberté du consentement de chacun", énonce la circulaire ministérielle du 22 juillet 2008. L'absence d'entretien devrait alors logiquement apparaître dès cette étape et faire obstacle à l'homologation de la rupture par l'administration.

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Entretien avec l'employeur : l'assistance est de droit
Il est important de rappeler que le salarié convoqué ou à l'initiative d'une rupture conventionnelle peut se faire assister selon deux modalités distinctes (article L. 1237-12 du code du travail) :
  1. en présence d'institutions représentatives du personnel, par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou de tout autre salarié ;
  2. en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par une personne de son choix appartenant à l'entreprise ou par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative (et consultable dans chaque inspection du travail et dans chaque mairie).

Dans ce cas, le salarié doit penser à prévenir à l'avance l'employeur qu'il ne sera pas seul à l'entretien.

Julien François actuel-ce.fr (lire l'article original)