Résiliation du contrat : quand un subordonné devient le chef

Posté le 19 décembre 2017 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

S'il n'est pas impossible de contester une promotion attribuée à un collègue et que l'on considère injuste, il faut en revanche bien préparer ses arguments. C'est en effet au salarié qui agit de démontrer que la décision de l'employeur est fondée sur une raison étrangère aux nécessités de l'entreprise.

Dans quelle mesure est-il possible de contester un avancement accordé à un collègue que l'on estime moins légitime que soi ? À la lecture d'un arrêt rendu le 22 novembre par la Cour de cassation, la mission apparaît difficile, mais pas impossible.

Une promotion qui chamboule l'organigramme de l'atelier

Un mécanicien de 57 ans, en poste depuis 13 ans dans une société de location de matériel pour le BTP, voit un nouvel embauché de 29 ans placé sous son autorité. Pendant plusieurs mois, le mécanicien confirmé forme son subordonné à son poste de travail, et ce, jusqu'à ce que le poste de chef d'équipe devienne vacant. Surprise alors dans l'atelier : la promotion est accordée par l'employeur au jeune de 29 ans et non pas à son responsable.

Estimant qu'il y a là une injustice, et refusant d'être sous les ordres du collègue qu'il a jusqu'ici encadré, le mécanicien senior demande aux prud'hommes de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur.

Le salarié doit démontrer l'existence d'une "raison étrangère aux nécessités de l'entreprise"

La cour d'appel de Douai donne d'abord raison au salarié au motif que "si cet avancement (aux fonctions de chef d'équipe) s'inscrit dans le cadre du pouvoir de direction de la société, il convient de rappeler qu'un tel pouvoir n'est cependant pas absolu et ne saurait être abusif". Après avoir rappelé que l'employeur doit exercer son pouvoir de direction "dans le respect de la personne des salariés", il est conclu par les juges d'appel que l'avancement du plus jeune salarié "ne peut être perçu que comme un acte d'humiliation" fautif à l'égard de son ancien responsable.

Mais pour la Cour de cassation, il est procédé dans cet arrêt d'appel à un inversement de la charge de la preuve qui mérite une censure. "Il appartient au salarié de démontrer que la décision de promouvoir un salarié qu'il a précédemment formé a été mise en oeuvre par l'employeur pour une raison étrangère aux nécessités de l'entreprise", déclare la Haute juridiction. Sans totalement fermer la porte à une contestation du choix effectué par l'employeur, il est donc exigé du salarié plaignant et de son conseil des efforts supplémentaires pour mettre en lumière le manquement de l'employeur. Sur ce point, la notion de "raison étrangère aux nécessités de l'entreprise" apparaît souple : discrimination en raison de l'état de santé, du sexe, de l'âge, d'activités syndicales, l'existence de liens familiaux, d'amitié ou amoureux avec le salarié promu, etc. En l'espèce, on peut imaginer que le salarié de 57 ans aurait pu invoquer l'existence d'une discrimination en raison de l'âge pour au moins forcer l'employeur à justifier plus en détails son choix de promouvoir au poste de chef un salarié moins chevronné.


Actuel CE (Lire l'article original)