Reparlons des machines dangereuses … ou des travaux dangereux

Posté le 3 novembre 2014 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

La récente déclaration du SNPDEN relance le débat sur les travaux réglementés des jeunes de 15 à 18 ans et sur les stages des élèves en formation professionnelle ; cette déclaration pointe la responsabilité accrue des chefs d’établissement et la complexification administrative résultant de l’application des textes.

« Sur le terrain », les établissements en charge de ces formations se voient désormais dans l’obligation de vérifier que l’employeur du stagiaire bien remplit bien les conditions requises, et a, entre autre, renseigné le document unique de sécurité, certes obligatoire depuis 2001 (décret 2001-1016) dans le cadre d’un principe de prévention devenu rapidement principe de précaution.

Au même moment, mais pas pour les mêmes raisons, le député Cherpion et le sénateur Houel déposent une proposition de loi relative à une reconsidération des métiers pour lesquels les formations professionnelles impliquent une pratique de machines ou d’outils dangereux.

Dans le même temps, les employeurs ont le sentiment que, contrairement à l’un des objectifs de la loi qui visait une simplification des procédures, les contraintes ont été renforcées à leur détriment : la fréquence des contrôles serait en effet accrue de part la plus grande vigilance de l’Inspection du Travail suite à ces réformes.

Certaines organisations syndicales d’enseignants pensent au contraire, qu’il s’agit « d’un assouplissement de la réglementation conduisant au démantèlement de l’inspection du travail » puisque l’obligation annuelle qui existait s’est transformée en autorisation triennale.

La plus grande confusion règne, mais un point commun rassemble toutes ces analyses : personne n’est satisfait de la loi. C’est assez habituel, me direz-vous.

Comme d’habitude également, deux visions d’un problème s’opposent : la recherche d’un risque zéro d’un côté, conduisant à encadrer toutes procédures avec comme risque (réel celui-là) la déresponsabilisation des acteurs et le tarissement d’un type de formation ; et d’autre part, un apprentissage professionnel fondé sur l’acquisition du geste par la pratique. Comment, en effet, imaginer pouvoir concilier ces deux approches ? De là viennent les résistances.

En principe, il ne devrait pas y avoir opposition.

En effet, l’apprentissage par la pratique des gestes professionnels s’est toujours déroulé dans le cadre responsable des maitres de stages qui connaissent mieux que personne la dangerosité des gestes. Les lois et décrets de 2001 sur l’obligation de rédaction d’un document unique d’évaluation des risques en fournit la preuve par l’identification des dangers, l’analyse des risques et les mesures à prendre pour y remédier.

Peut-on dès lors supprimer la pratique de ces gestes au nom d’un principe de précaution de plus en plus contraignant ? La réponse à cette question est difficile parce que l’on rétorque toujours « qu’un mort est un mort de trop » ; ce qui clôt effectivement le débat, puisque c’est absolument exact et que cela ne supporte aucun commentaire.

Néanmoins, je fais un commentaire : si personne ne peut se satisfaire d’un accident (rare évidence !), parfois un accident mortel, nous n’avons pour autant pas résolu la question de la formation indispensable en milieu professionnel par la seule observation (quelle acquisition de quelles compétences ?) qui ne peut constituer une solution durable et efficace. Il faut pratiquer pour apprendre.

Que faire ? Utiliser des simulateurs ? Peut-être. Cela existe dans la conduite de certaines machines ; mais à un moment, la pratique s’impose malgré tout pour valider que l’acquis virtuel est réel.

Imaginons ici que l’usage du simulateur pour passer un permis de conduire dispense le candidat d’un réel examen de conduite sous la houlette d’un inspecteur.

Les automobiles sont probablement l’un des outils les plus dangereux si on en croit les statistiques d’accidents de la route ramenées à la population de référence en comparaisons des accidents en situation de stage professionnel.

Il est d’ailleurs assez étonnant que le mouvement inverse ait été créé, permettant, au contraire, la conduite accompagnée ! C’est très exactement l’esprit des formations professionnelles : le maître de stage est, lui aussi, là pour accompagner celui qui apprend le geste

On parle désormais de travaux dangereux et non plusde machines dangereuses ; dans un tel cadre, la MSA peut poursuivre et intensifier ses campagnes de sensibilisation aux dangers rencontrés. Le préventif ici prévu dans les textes de 2001 prend alors tout son sens. Se posera de tout façon la question des visites médicales liées à cette sécurité puisque l’orientation prise de parler « de travaux dangereux » focalise davantage vers la sécurité, l’hygiène et la prévention. Disponibilité des médecins scolaires, budget pour les financer ? Est-on certain que le PLF le prévoit à son juste niveau ?

On voit également qu’évoquer les travaux dangereux implique des conséquences sur les filières des services à la personne et aux territoires que l’on pouvait naïvement croire peu concernées par le dispositif. En effet, désormais un jeune sera autorisé à porter plus de 20% de son poids sous réserve d’un avis d’aptitude médical favorable…Une jeune fille de 50kg devra-t-elle avoir passé elle aussi une visite médicale avant son stage si elle veut porter un enfant qui en fait 10 ?Un bruit inquiétant court : des demandes de dérogations ne seraient pas nécessaires pour les élèves en ASSP (éducation nationale) et le seraient pour les élèves en formation SAPAT (ministère de l’agriculture) ! Les deux formations sont très proches ou en tout cas pour lesquelles les lieux de stages en milieu professionnel sont similaires Qu’est-ce qui l’impose ?

La solution est celle, avant de légiférer, du dialogue social qui devrait permettre aux différents partenaires (fédérations d’employeurs et syndicats de salariés, mais aussi représentants des organismes de formation) de proposer aux ministères du travail, de l’éducation nationale et de l’agriculture, des solutions en regard des spécificités de leurs formations.

Le sujet connait une certaine urgence et un tel type de réunion doit se dérouler rapidement pour que les jeunes ne soient pas pénalisés sans pour autant être mis en danger.

Source : (lycee-agricole.blogs)

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