"Le droit n'a pas été conçu pour le travail dématérialisé"

Posté le 3 septembre 2013 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctJusqu'où une entreprise a-t-elle le droit de réorganiser ses bureaux ?

Jean-Emmanuel Ray: Il faut d'abord demander l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et du comité d'entreprise. Mais aucun texte n'oblige l'employeur à donner un bureau à chacun.

Par contre, il doit assurer la santé physique et désormais mentale de ses salariés. Par exemple, une entreprise peut supprimer les bureaux attribués et instaurer un espace de travail ouvert : en droit, le collaborateur ne peut pas refuser, car ce n'est pas une modification de son contrat de travail.
Mais ces nouvelles formes de management posent parfois question en terme de santé mentale. Si un employé prouve être en situation de stress excessif à cause de ces changements, l'employeur est tenu, selon la jurisprudence, à une obligation de sécurité. Il est juridiquement responsable.

Des sociétés créent des espaces "informels". Sont-ils pour autant de vrais lieux de repos ?

Les enjeux pour les entreprises sont, ici, très variables : parfois, il s'agit de faire rester plus longtemps les salariés sur le lieu de travail en leur proposant de se détendre sur place ; mais aussi leur proposer une solution quand l'entreprise est mal desservie ; enfin leur permettre de faire une pause, car on ne peut pas faire travailler efficacement ses neurones trop longtemps.

Mais est-ce pour autant du temps de repos ?

Si le salarié peut être appelé à tout moment, c'est du temps de travail. Et s'il se blesse en jouant au billard dans la salle commune, c'est un accident du travail. L'employeur qui installe un "coin sieste" est en droit de réglementer son utilisation. Mais il le fait rarement, car ce qui importe est que le travail soit fait. Cette dissolution généralisée des frontières entre temps de travail et temps de repos pose de plus en plus de problèmes.

Le droit du travail n'est donc plus adapté ?

Notre droit du travail a été conçu pour les ouvriers de la manufacture et sa nécessaire unité de temps, de lieu et d'action. Pas pour le travailleur du savoir et son travail dématérialisé. La loi du 22 mars 2012 considère le salarié en télétravail à son domicile comme un salarié comme les autres. Alors qu'il ne l'est pas : il peut sortir et décider de travailler plus tard.

Tout repose donc sur la confiance, y compris l'accident du travail. Cette loi a cependant réglé un problème sensible : si c'est l'employeur qui propose le télétravail – et non l'inverse –, il doit rembourser les frais de matériels. Et la jurisprudence l'oblige à indemniser au prorata les frais liés au loyer ou à l'énergie.

Une dernière question est liée au développement des "sous-traitants" non salariés: ils relèvent du droit commun lorsqu'il n'y a pas de lien de subordination. En réalité, ce dernier est parfois présent pour des raisons de réactivité. Dans ce cas, la requalification en "contrat de travail" est possible, car les conditions concrètes d'exercice du travail (ordres, contrôles en temps réel) sont celles d'un salarié.

Source (lemonde.fr)

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