Pourquoi les vacances ne résolvent pas le burn-out

Posté le 1 septembre 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

 

Le repos ne modifie pas l'inadéquation entre les besoins motivationnels et les conditions de travail.

«Et nous voici lundi matin. À la seule idée de retourner travailler, j'ai des sueurs froides comme si j'allais gravir l'Everest. Je suis un soldat - disons un officier en permission - et retourner au combat du monde des affaires est au-dessus de mes forces, tout simplement», raconte Thierry Chavel, coach de dirigeant et professeur à l'université Panthéon-Assas dans son livre Je peux guérir (Flammarion, 2016).

Si vous étiez vous aussi «en burn-out» (épuisement au travail) avant de partir en vacances, peut-être espérez-vous repartir du bon pied à la rentrée en ayant «rechargé vos batteries»? Les choses ne sont malheureusement pas si simples, selon une étude germano-suisse publiée en plein moins d'août dans la revue Frontiers in Psychology. L'épuisement, qu'il soit émotionnel ou physique, s'amendera bien pendant les vacances (contrairement à la dépression) mais le burn-out comporte d'autres symptômes que le repos ne résout pas.

Incongruence de motivation

«Le burn-out est généralement défini comme une réponse prolongée à des facteurs de stress émotionnels et interpersonnels chroniques au travail », explique au Figaro le Pr Veronika Brandstätter (Université de Zurich, Suisse) qui a dirigé l'étude. «Il va sans dire qu'il y a une multitude de facteurs de stress possibles, ajoute-t-elle. Par exemple, la charge de travail excessive, la pression chronique du temps, les conflits sociaux, les procédures abusives, mais nous avons détecté une autre source importante de stress: l'incongruence de motivation. »

Qu'est-ce que cette incongruence? «Un écart qui se produit, explique le Pr Brandstätter, soit quand un individu a un fort besoin affectif de socialiser avec les autres (besoin d'affiliation) ou d'influencer les autres (besoin de puissance), mais n'a pas la possibilité d'agir dans ce sens ; soit au contraire quand il doit le faire alors que cela ne correspond pas à des besoins profonds. »

Avec ses collègues des universités de Zurich et Leipzig (Allemagne), elle a évalué les niveaux de burn-out dans un groupe de 97 salariés, puis les a comparés à l'écart qui pouvait exister entre les aspirations de chacun et leurs satisfactions au travail.

Coaching individuel

Les résultats révèlent que c'est avant tout l'inadéquation des besoins relationnels qui est liée au burn-out. Autrement dit, un poste avec beaucoup d'échanges et de contacts pour quelqu'un qui ne les aime pas pourrait conduire au burn-out, de même qu'un travail isolé pour une personne qui recherche les contacts.

«Évidemment, les gens ne peuvent pas toujours vivre leur rêve et satisfaire leurs besoins profonds au travail. Il y a des moments où l'on doit s'autodiscipliner et dépasser ceux-ci pour atteindre des objectifs importants ou répondre aux attentes sociales », explique le Pr Brandstätter. «Cependant, ajoute-t-elle, cela se révèle être un problème quand il y a une frustration chronique des besoins. Par conséquent, même dans des situations difficiles (économiquement ou socialement), on devrait au moins essayer d'améliorer la situation même par des petits changements ».

Et quand il n'est pas possible de changer de poste? L'une des contre-mesures proposées par les psychologues germano-suisses dans leur étude consiste, pour le salarié en situation de burn-out, à proposer des changements qui permettent de rapprocher son travail de ses aspirations, par exemple davantage de travail d'équipe, s'il aspire aux contacts. Un coaching individuel peut aussi s'avérer précieux. «Le coaching amène la personne à se positionner en tant qu'acteur et non victime des situations qu'il vit, même dans une situation extrême où la personne a peu de leviers, la manière dont il va vivre et agir dans cette situation est primordiale, explique la coach Isabelle Bérard. Soit il se positionne en victime, se morfond et prend la situation de plein fouet, soit il prend du recul, recherche les actions qu'il peut poser pour améliorer la situation et adopter la posture qui lui permettra de vivre au mieux cette situation.»


Épuisement, perte d'empathie, désinvestissement…

Bien que le «burn-out» ne soit pas reconnu en France comme une maladie par l'Académie de médecine, ce qui complique sa prise en charge, une vaste littérature scientifique s'est constituée sur le sujet depuis son apparition dans les années 1960. Mais c'est surtout au début des années 1980 que s'est imposé un modèle développé par le Pr Christina Maslach (Université de Berkeley, Californie) décrivant le burn-out comme «un état d'épuisement physique, émotionnel et mental résultant d'une exposition à des situations émotionnellement exigeantes».

Le test qu'elle a mis au point (Maslach Burnout Inventory ou MBI) repose sur 22 questions. Certaines portent sur l'épuisement professionnel: «Je sens que je craque à cause de mon travail ; je me sens au bout du rouleau ; je me sens fatigué(e) lorsque je me lève le matin.» C'est généralement cette dimension qui est la plus facilement reconnue par les individus.

D'autres questions concernent la dépersonnalisation: «Je suis devenu(e) insensible aux gens depuis que j'ai ce travail ; je crains que ce travail ne m'endurcisse émotionnellement.»

Enfin, la dernière série de questions aborde l'accomplissement personnel: «J'ai accompli beaucoup de choses qui en valent la peine dans ce travail, j'arrive facilement à créer une atmosphère détendue avec mes patients/clients/élèves.»

Par http://sante.lefigaro.fr/  Damien Mascret (lire l’article original)