Pénurie d’essence : puis-je être licencié si je ne peux pas aller travailler ?

Posté le 25 mai 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

 

 Pénurie d’essence : puis-je être licencié si je ne peux pas aller travailler ?

Mardi 24 mai 2016, le verdict tombe : la totalité des raffineries qui approvisionnent nos stations essence sont en grève. Depuis quelques jours déjà, la pénurie d'essence se fait sentir. En plus de cela, certains transports en commun sont immobilisés. Comment faire pour vous rendre au travail tout de même et que risquez-vous si vous ne vous présentez pas à votre poste ?

Votre absence ou votre retard provoqué par une grève des transports ne constituepas une faute dès lors qu'il était impossible de vous rendre au travail.

Toutefois, le droit du travail prévoit que lorsque vous ne vous présentez pas à votre poste de travail, vous devez être en mesure de le justifier auprès de votre employeur, dans les délais indiqués dans votre convention collective, généralement 48 heures.

A défaut, vous vous exposez à des sanctions pouvant aller du simple avertissement au licenciement.

Voici la solution qui s'offre à vous : vous pouvez invoquer la force majeure (événement imprévisible et insurmontable) en présentant un justificatif de votre retard ou de votre absence.

Attention, la force majeure est très difficilement acceptée. En effet, si des moyens de transports alternatifs existent (navettes, transports de substitution, covoiturage...), votre absence ne sera alors plus considérée comme justifiée. C'est ce qu'a affirmé un arrêt de la Cour d'Appel de Paris qui a considéré qu'en raison de la mise en place des transports de remplacement le rapprochant de son lieu de travail, un salarié ne se trouvait pas placé par la grève des transports en commun devant un empêchement insurmontable

légitimant son absence ; le refus du salarié de reprendre son travail sur injonction de l'employeur a été qualifié de faute grave (1).

En cas de force majeur avéré et d'absence pour ce motif, votre employeur n'est pas obligé de vous rémunérer, hormis si votre convention collective le prévoit.

Le montant retenu sur votre salaire par votre employeur doit être strictement proportionnel à la durée de votre absence.

Néanmoins, que faire si vous ne souhaitez pas que cette situation ait des impacts sur votre rémunération ? Abordez le sujet avec votre employeur.

Des alternatives existent pour éviter la retenue sur salaire : vous pouvez proposer à votre employeur de compenser les heures perdues :

  • en posant des jours de congés payés ou de RTT. Cela vous permettra de bénéficier d'un maintien de votre salaire pour les jours pendant lesquels vous ne vous êtes pas présenté au travail ;

  • en rattrapant vos heures de travail manquées (rester 30 minutes/1 heure de plus tous les jours jusqu'à ce que le temps perdu soit rattrapé) ;

  • en faisant du télétravail, dès lors que la fonction que vous occupez le permet et que vous disposez à domicile des moyens nécessaires à l'exercice de votre activité (internet, ordinateur, téléphone …) ;

Le Code du travail prévoit en effet qu'en cas de "circonstances exceptionnelles, ou en cas de force majeure, la mise en oeuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés." (2)

Cependant, le fait que l'essence vient à manquer, pourra être une excuse non valable aux yeux de votre employeur : ce dernier pourra arguer que des alternatives existent et que vous êtes soumis à l'obligation de vous rendre sur votre lieu de travail par tout moyen. L'absence constatée sans justificatif faisant foi pourra être considérée comme une absence injustifiée.

Voici quelques alternatives à la voiture, si votre employeur reste de marbre face à vos explications :

  • pratiquer du covoiturage avec vos collègues ou par le biais de services

  • dormir à un hôtel proche de votre lieu de travail

  • vous rendre au travail à pied ou à vélo si vous n'êtes pas loin

  • emprunter les services publics et les transports en commun restant

Références :

(1) CA Paris, 3 octobre 1972, Dame Lelong c/ Parfumerie Mont-Saint-Michel(2) Article L1222-11 du Code du travail

(2) Article L1222-11 du Code du travail

Noëmie BESSON

Juriste Rédactrice web

http://www.juritravail.com/

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