Nouvelle DUP "conventionnelle" : ce qu'il faut savoir avant de négocier

Posté le 21 avril 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Pour les entreprises d'au moins 300 salariés, la loi Rebsamen introduit la possibilité de convenir par accord majoritaire du regroupement partiel ou total des instances représentatives du personnel. Le décret nécessaire à l'institution de cette délégation unique du personnel (DUP) "conventionnelle" étant enfin paru, voici notre synthèse.

Qu'est-ce que la DUP "conventionnelle" ?

Le nouvelarticle L. 2391-1 du code du travailprévoit pour lesentreprises d'au moins 300 salariés la possibilité de "simplifier" la représentation du personnel. En pratique, le regroupement des instances peut prendre 4 formes différentes :

- soitle regroupement des CE, DP et CHSCT;

- soitle regroupement de deux de ces institutions, ce qui donne les combinaisons possibles suivantes :

  • CE et DP;
  • CE et CHSCT;
  • CHSCT et DP.
Attention :cette souplesse d'organisation des relations sociales prévue pour les plus grandes entreprises est différente de la nouvelle possibilité pour l'employeur d'imposer unilatéralement, sous le seuil de 300 salariés, la mise en place de la délégation unique du personnel "légale" (lire ici notre récente synthèse).

Qui décide de mettre en place la DUP "conventionnelle" ?

L'instance commune n'est possible qu'en présence d'un accord collectif majoritaire. Autrement dit, il faut un accord signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 50% des suffrages au premier tour des élections des titulaires du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel. "Cette garantie démocratique écarte tout recul social, et permet de mieux adapter les instances aux réalités du terrain", assurait début 2015 François Rebsamen, alors ministre du Travail.

À quel moment peut-on décider de mettre en place l'instance commune ?

Lors de la constitution du CE, des DP, du CHSCT, ou à l'occasion du renouvellement de l'une de ces trois instances. C'est à l'accord majoritaire de prévoir la prorogation ou la réduction de la durée du mandat des membres de l'institution faisant l'objet du regroupement, de manière à ce que l'échéance des mandats en cours coïncide avec la date de mise en place de la nouvelle instance regroupée.

Comme l'analyse la rédaction du Dictionnaire Permanent social des Editions Législatives, plusieurs cas de figure sont concrètement possibles :

  • l'employeur d'une entreprise de 300 salariés et plus peut mettre en place l'instance regroupée lors du renouvellement de l'une des IRP qu'il s'agisse des élections CE/DP ou de la désignation des membres du CHSCT (a priori même si l'instance renouvelée n'est pas concernée par le regroupement, le texte ne distinguant pas) ;
  • l'entreprise est en DUP "légale" (CE/CHSCT/DP) et dépasse le seuil de 300 salariés : comme le prévoit le nouvel article L. 2326-9 du code du travail, la DUP "légale" tombe à l'échéance des mandats et un accord majoritaire peut être conclu pour maintenir et adapter le regroupement des instances représentatives.

À quel niveau la DUP est-elle mise en place ?

En l'absence d'établissement distinct, la réponse est simple : le périmètre retenu pour l'instance regroupée est celui de l'entreprise. Mais s'il y a plusieurs établissements distincts, la DUP "conventionnelle" peut être mise en place au niveau d'un ou de plusieurs établissements, et des modalités de regroupement différentes peuvent être retenues selon les établissements (article L. 2391-2 du code du travail). De même, la négociation au niveau de l'entreprise est facultative, elle peut s'ouvrir au seul niveau de l'établissement.

La volonté du législateur est de laisser aux partenaires sociaux la faculté de convenir de la formule la plus adaptée pour un dialogue social efficace. Cela veut donc dire que pour une même entreprise il est par exemple possible de conserver des IRP totalement distinctes pour un établissement, de procéder au regroupement du CE/DP avec un CHSCT autonome pour un autre établissement, et de regrouper CE/DP/CHSCT dans un troisième établissement ! Reste alors à savoir comme sera organisée l'instance centrale.

En présence d'une unité économique et sociale (UES) composée d'entreprise regroupant au moins 300 salariés, un accord collectif majoritaire peut être conclu pour mettre en place la nouvelle DUP "conventionnelle" pour cette UES.

Quel est le nombre de représentants à la DUP négociée ?

Effectif Nombre actuel d'élus en cas de CE/DP/CHSCT distincts Nombreminimum d’élus à la nouvelle "DUP conventionnelle"
Moins de 300 salariés (ndlr: cela ne concernera que les "petits" établissements d'une entreprise de plus de 300 salariés)

De 8 à 16 titulaires et de 5 à 12 suppléants

(CE: de 3 à 5 titulaires et autant de suppléants; DP : de 2 à 7 titulaires et autant de suppléants; CHSCT : de 3 à 4 membres)

5 titulaires et 5 suppléants
De 300 à 999 salariés

De 16 à 22 titulaires et de 12 à 16 suppléants

(CE : de 5 à 7 titulaires et autant de suppléants; DP : de 7 à 9 titulaires et autant de suppléants; CHSCT : de 4 à 6 membres)

10 titulaires et 10 suppléants
À partir de 1 000 salariés

Au moins 24 titulaires et 18 suppléants

(CE : au moins 8 titulaires et autant de suppléants; DP : au moins 10 titulaires et autant de suppléants; CHSCT : au moins 6 membres)

15 titulaires et 15 suppléants

Autour du seuil de 300 salariés, les partenaires sociaux ont doncla possibilité d'aller bien en-deçàde ce qu'il est par ailleurs prévu pour la DUP "légale"

Siseulement deux instances(CE/DP ou CE/CHSCT ou DP/CHSCT) sont regroupées, le nombre minimum de représentants à la délégation unique du personnel est ainsi fixé :

Effectif Nombreminimumd'élus à la "DUP conventionnelle" regroupant deux instances
Moins de 300 salariés (ndlr: cela ne concernera que les "petits" établissements d'une entreprise de plus de 300 salariés) 4 titulaires et 4 suppléants
De 300 à 999 salariés 6 titulaires et 6 suppléants
À partir de 1 000 salariés 8 titulaires et 8 suppléants

Encore une fois, ces planchers réglementaires sont particulièrement bas. Les négociateurs syndicaux devront faire preuve de la plus grande vigilance.

Comment fonctionne cette DUP ?

L'article L. 2391-1 du code du travail prévoit clairement que l'instance regroupée est dotée de la personnalité civile et gère son patrimoine. L'accord majoritaire de mise en place dispose ensuite d'une assez grande liberté pour déterminer les modalités de fonctionnement de l'instance, à condition de respecter un minimum fixé par la loi. Outre les questions du nombre d'élus et des crédits d'heures, l'accord prévoit donc pour le fonctionnement de l'instance :

  • au moins une réunion de l'instance tous les deux mois ;
  • les modalités de l'établissement et de la communication de l'ordre du jour;
  • le rôle respectif des titulaires et suppléants.

Lorsque la DUP englobe le CHSCT, l'accord doit aussi prévoir :

  • une commission d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail "à laquelle peuvent être confiées tout ou partie des attributions reconnues au CHSCT";
  • la composition et le fonctionnement de cette commission;
  • au moins 4 réunions consacrées, en tout ou partie, à l'exercice de ses missions en matière d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Hors la commission des marchés, la création des commissions du CE (économique, logement, etc.) est laissée au libre choix des négociateurs.

Quant aux autres règles de fonctionnement, il faut appliquer : 
  • les règles prévues pour le CE lorsque cette instance est incluse dans la DUP conventionnelle (fonctionnement et désignation du bureau, obligation de rédiger un règlement intérieur, envoi de convocation et ordre du jour, etc.) ;
  • les règles prévues pour le CHSCT si le CE n'est pas inclus dans la DUP conventionnelle.

Dans quel cas peut-on supprimer la DUP "conventionnelle" ?

Habituellement, la dénonciation d'un accord collectif n'entraîne sa suppression qu'à l'entrée en vigueur d'un nouvel accord, ou à défaut au bout de 15 mois (art L. 2261-1). Ce n'est pas le cas pour l'accord regroupant les IRP. Sa dénonciation prend effet dès la fin du préavis de 3 mois (art L. 2261-9). Autrement dit, 3 mois après la dénonciation de l'accord, l'entreprise doit organiser le retour à des instances séparées. Le mandat des membres de l'instance regroupée est prorogé jusqu'à la date de mise en place de ces institutions (article L. 2394-1 du code du travail).

En revanche, aucune disposition spéciale n'est prévue en cas de diminution de l'effectif en dessous de 300 salariés. Il n'y a rien non plus au sujet d'un potentiel accord à durée déterminée mais la situation est alors prévisible.

Julien François (Actuel Editions Legislatives)