Notre tableau pour comprendre les positions syndicales sur le projet de loi El Khomri

Posté le 1 avril 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

(DR) De gauche à droite : Fabrice Angei (CGT), Jean-Claude Mailly (FO) et Franck Mikula (CFE-CGC), hier matin à l Assemblée nationale (DR) Les syndicats étaient hier matin entendus par le députés sur le projet de loi Travail. Cette audition a permis de mesurer, alors qu'auront lieu aujourd'hui d'importantes mobilisations et manifestations partout en France en vue du retrait du texte gouvernemental, l'étendue des divergences et des convergences confédérales.

Commenter en une quinzaine de minutes l'ensemble des 134 pages du projet de loi Travail présenté en Conseil des ministres le 24 mars. C'est l'exercice auquel se sont livrés hier matin les cinq syndicats représentatifs devant les membres de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. L'occasion de dresser, pour les principales mesures de la réforme, un tableau comparatif des positions et revendications exprimées.

Projet de loi Travail : les positions syndicales défendues devant les députés

 

Véronique Descacq, secrétaire nationale CFDT

Bernard Sagez, secrétaire général de la CFTC

Franck Mikula, secrétaire national CGE-CGC

Fabrice Angei, bureau confédéral CGT

Jean-Claude Mailly, secrétaire général FO

Appréciation générale

sur la nouvelle écriture

du projet

de loi

Travail

"La version 2 du projet de loi nous convient mieux. Le retrait du barème aux prud'hommes est un élément de grande satisfaction".

"Ce texte offre 3 opportunités : améliorer la sécurisation des parcours professionnels, permettre la montée en compétence des travailleurs, favoriser un dialogue social de qualité au niveau le plus pertinent".

"Le projet de loi contient des avancées, en particulier la nouvelle architecture du code du travail".

"La deuxième version du texte contient davantage de mesures de sécurisation".

"L'avenir de la France dépend plus de l'innovation et de la qualité du travail que d'un assouplissement du droit social. Il faut renforcer l'autonomie aux salariés et donner plus de pouvoir à leurs représentants pour se diriger vers la co-décision".

"La CGT est opposée à ce projet de loi, même remanié. Tout comme les français. D'ailleurs il faudrait peut être faire un référendum, non pas d'entreprise, mais politique sur ce texte".

"Faute de suspension pour revoir la philosophie du texte, nous militons pour son retrait. C'est pourquoi nous serons demain 31 mars dans l'action. Et d'autres actions suivront certainement".

Evolution vers davantage

de poids donné aux accords d'entreprise face

à la loi

"Il n'y a pas d'inversion de la hiérarchie des normes mais une nouvelle organisation de la construction de la norme sociale. Elle repose sur l'accord majoritaire et un droit supplétif constant. Quand il n'y a pas d'accord, c'est le code du travail d'aujourd'hui qui s'applique".

"Nous ne souhaitons par la remise en cause du dispositif du référendum"

"Nous ne voyons pas d’inversement de la hiérarchie des normes. La nouvelle architecture du code du travail (ordre public, négociation collective et dispositions supplétives) nous va bien car elle est plus compréhensible, plus lisible pour les salariés et les employeurs. Le droit du travail devrait être plus opérationnel".

"Le rôle de la branche doit être renforcé, c’est le meilleur moyen d’éviter le dumping social dans les entreprises. On ne peut pas accepter un code du travail par entreprise à des fins concurrentielles".

"L'objectif, c'est la primauté de l'accord d'entreprise. On est donc bien sur une inversion de la hiérarchie des normes. Demain on va avoir un code du travail différent dans chaque entreprise, et par conséquent une action beaucoup plus difficile pour l’inspection du travail". "Ce texte introduit une rupture dans l'histoire des relations sociales. La France est le premier pays en monde en termes de couverture conventionnelle des salariés (90%). Il y a un côté républicain dans la démarche notre hiérarchie des normes, le principe de faveur. Nous tenons à ce qu’il y ait la loi, le niveau interprofessionnel national, la branche, l’entreprise. Or le projet de loi remet en cause cette articulation des niveaux".

Négociation collective : généralisation des

accords majoritaires, recours

au référendum

"Passer à 50% pour la validation des accords collectifs est important. C’est la clé de voute, la condition sine qua non à cette réécriture du code du travail".  

"Le référendum ne nous fait pas peur, dès lors que seuls les syndicats peuvent solliciter l’avis des salariés. Cela renforce même à notre sens les organisations signataires".

"Nous sommes favorables aux accords majoritaires. Le dialogue social en France est mûr pour passer à 50%. Mais sans la possibilité de recours au référendum. Cela marche actuellement très bien avec les 30%, cela marchera tout aussi bien à 50% et avec des textes encore plus légitimes".

"La réalité du dialogue social, c'est une majorité de négociations sur une régression sociale. Le référendum d'entreprise, ce n'est pas la démocratie sociale. L'exemple avec Smart, où l'on a fait voter les cadres au forfaits jours sur le passage à 39 heures payées 37 heures pour les employés".

"On demande l'application pure et simple de l'accord majoritaire".

"Le référendum, nous y sommes opposés. C'est un outil de court-circuitage des syndicats. Il est plus responsable de rester à 30% et de laisser vivre le droit d’opposition. Nous pensons que c’est plus démocratique"

Nouvelle définition

du licenciement économique

"La réécriture est encore trop timide et insécurisante pour les salariés. Le droit supplétif est trop faible, les pouvoirs du juge ne sont pas assez rétablis pour apprécier l'organisation artificielle de difficultés économiques".

 "On demande une réécriture des critères qui justifient le licenciement économique. Il faut prévoir une baisse "conséquente" des commandes ou du chiffre d'affaires".

"Le périmètre d'appréciation des difficultés doit aller au-delà du seul territoire national".        

"Ce projet de loi cherche à faciliter le licenciement économique dans l’espoir de créer de l'embauche. Nous n’y croyons pas 3 secondes. On doit, avant de procéder à des licenciements économiques, utiliser tous les moyens alternatifs comme le chômage partiel, la réduction du temps de travail".

Ø "Une grande entreprise sait mettre un établissement en difficultés. Le juge aura bien un pouvoir, mais le temps pour le CE et son expert de constater l'abus, les salariés auront été virés".

Accords

de maintien dans

l'emploi (AME) "offensifs"

"Il faut renforcer le dispositif : revenir à des accords à durée déterminée, permettre l'accompagnement d'un expert même en l'absence de CE, prévoir des portes de sortie pour les salariés à qui l'on demande des contraintes disproportionnées". "Il y a une ambiguïté. On ne peut pas prévoir à la fois le "développement de l'emploi" et la "préservation de l'emploi". Pour la préservation de l'emploi il y a les accords de maintien dans l'emploi, avec des règles propres. Il faut limiter le nouveau dispositif à l'accord de développement de l'emploi, ce qui implique des créations d'emplois". "On demande le retrait de cette mesure. Pour préserver l’emploi, il existe déjà les AME, avec des garanties, des efforts partagés entre salariés et dirigeants, un constat partagé des difficultés économiques. C'est aussi le retour par la fenêtre des licenciements sui generis" alors qu'on les avait sortis par la porte en 2013". Ø

"En 2013, lorsque l'Assemblée a transposé l'accord de sécurisation de l'emploi, les élus de la nation ont retenu le caractère économique du licenciement après refus d'appliquer l'AME. Dans le nouveau projet de loi, on retrouve le licenciement pour motif personnel, donc contre ce que vous avez voté il y a 3 ans".

Temps

de

travail

"Tout le contenu supplétif est redevenu à droit constant, à quelques exceptions près en matière d'information et consultation". Ø Ø Ø "Tous les congés ne sont pas garantis dans la partie supplétive de la loi. On peut par accord majoritaire ou référendum remettre en cause certains congés existants".
Compte personnel d'activité (CPA) "Le CPA a été renforcé pour améliorer la formation de ceux qui en ont plus besoin. (...) Mais il faut aussi acter dans cette réforme la possibilité d'épargner du temps dans ce compte" "C'est la pierre angulaire du nouveau contrat social que la CFTC appelle de ses voeux. Il faut le développer encore plus".          "Il nous semble indispensable d’au moins créer un couche de compte temps. Il suffit que cette case existe dans le CPA. Ce sont les prémices d’une généralisation du CET que nous souhaitons en France". Intervention de Catherine Perret, membre du bureau confédéral : "Le CPA, c'est aujourd'hui essentiellement le CPF. Le compte pénibilité n'a pas d'existence réelle"

"Nous avons intégré dans la position commune deux dispositifs : le CPF et le compte pénibilité. Si on met trop de choses, type compte épargne temps, cela va devenir une usine à gaz et le dispositif risque de se solder par un échec".

Médecine

du

travail

"Pour les salariés déclarés inaptes, l'obligation de reclassement est aujourd'hui limitée à une seule proposition. Nous souhaitons que cette obligation soit élargie". "On ne peut pas accepter le licenciement d'un salarié pendant la suspension du contrat de travail pour maladie.

Il faut attendre que la situation de santé puisse se stabiliser".

"La proposition d'un seul poste de reclassement paraît trop légère".

Ø Ø

"Pour le travail de nuit, l'obligation de visite préalable et de suivi tous les 6 mois disparaissent. Ce n'est pas un grand progrès pour la médecine du travail".

Julien François (Actuel Editions Legislatives)