Les salariés prêts à accepter des horaires atypiques au détriment de leur santé

Posté le 25 juin 2014 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

L'Anact a lancé hier la Semaine de la qualité de vie au travail avec les résultats d'un sondage TNS-Sofres sur l'articulation entre vie privée et vie professionnelle.

Une préoccupation majeure pour les salariés qui attendent plus de souplesse organisationnelle. Hervé Lanouzière, directeur général de l'Anact, fait le lien avec la qualité de vie au travail et la pénibilité.

Pour mieux concilier vie professionnelle et vie privée, seriez-vous prêt à travailler très tôt le matin, tard le soir, de nuit, en horaires décalés, le week-end, etc ? À cette question, 76 % des salariés répondent par l'affirmative. Et pourtant, ils sont aussi une majorité (68 %) à penser que les horaires atypiques peuvent avoir des effets négatifs sur la santé. Selon Pascale Levet, directrice technique et scientifique de l'Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail), ces chiffres – issus d'un sondage TNS Sofres pour l' Anact et révélés hier à l'occasion du lancement de la Semaine de la qualité de vie au travail – mettent en perspective deux systèmes : la mesure des effets sur la santé et leur prise en compte via des arbitrages "savants" où prévaut le principe de précaution, et les arbitrages personnels qui ne reposent pas sur le principe de précaution. "Or aujourd'hui, on doit avoir en tête qu'il est nécessaire de s'engager durablement dans des vies professionnelles longues. L'enjeu est de ne pas passer à côté des effets différés sur la santé que peuvent avoir, par exemple, les horaires atypiques. Il faut construire des accords raisonnables et bien documentés qui ne passent pas à côté de ces questions", avertit-elle.

Vie professionnelle / vie privée et QVT

La conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle pour "se sentir bien dans son travail" arrive en tête des préoccupations des salariés, selon le sondage TNS-Sofres pour l'Anact : c'est "important" pour 99 % d'entre eux (dont 75 % disent que c'est "essentiel") et arrive juste avant le fait d'avoir un travail intéressant ou une bonne ambiance entre collègues. Près d'un an après l'Ani (accord national interprofessionnel) sur la qualité de vie au travail du 19 juin 2013 (voir notre article), et en plein débats sur la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité (voir notre article), l'Anact a voulu consacrer la Semaine de la qualité de vie au travail à l'articulation entre vie privée et vie professionnelle. "L'Ani QVT est multidimensionnel, et les partenaires sociaux étaient très soucieux de mettre énormément de choses derrière le concept de qualité de vie au travail. Pourtant, intuitivement – et le sondage le confirme – lorsqu'on parle de QVT, l'articulation vie privée/vie professionnelle vient immédiatement", expose Hervé Lanouzière, directeur général de l'Anact.

Facile uniquement de prime abord

De prime abord, les salariés interrogés disent trouver "facile" de concilier ces deux pans de leur vie (76 %). Ils ne sont que 24 % à y voir des difficultés, un chiffre qui monte à 36 % pour ceux qui travaillent 40 heures par semaine et plus. Pourtant, lorsqu'on les interroge sur leur quotidien, environ la moitié estime que sa vie professionnelle ne lui permet pas d'aller au cinéma ou au restaurant, de passer suffisamment de temps avec son conjoint, ses amis, ses proches, de s'occuper suffisamment de ses enfants ou d'accomplir des tâches ménagères. Un salarié sur dix (et un cadre sur cinq) déclare ne pas prendre tous ces congés du fait de sa charge de travail.

Plus de souplesse organisationnelle

Quelles solutions ? Les salariés ne les voient pas venir de leur entreprise : 56 % des sondés lui donnent une note de 0 à 5 sur 10 pour les efforts faits en faveur d'un bon équilibre vie privée/vie professionnelle. Les efforts, quand ils existent, seraient plus portés par les managers de proximité. Adaptation ponctuelle du temps de travail, horaires personnalisés, quitter le bureau en cas d'impératif, des plannings prenant mieux en compte toute l'équipe, le télétravail de temps en temps : les salariés "demandent des organisations qui permettent plus de souplesse", résume Hervé Lanouzière. "Mais il faut éviter les arrangements individuels, qui pourraient créer plus d'injustice. C'est vraiment une question à aborder sous l'angle organisationnel", poursuit-il.

Accord global

L'Ani QVT pourrait dans ce cadre être un espace idéal pour mener des expérimentations, surtout depuis la loi sur la formation du 5 mars qui permet aux entreprises d'expérimenter la négociation unique sur la qualité de vie au travail. Un accord "global" peut ainsi regrouper les négociations sur l'égalité professionnelle, la durée effective du travail et l'organisation du travail, les travailleurs handicapés, la mobilité, le régime de prévoyance et de maladie, et la pénibilité (voir notre article). Hervé Lanouzière se veut pragmatique : "Un chef d'entreprise ne se lève pas le matin en se disant qu'il va embaucher plus de seniors. En revanche, chaque matin, il doit gérer l'absentéisme dans son entreprise, par exemple. C'est avec cette problématique qu'il va finalement se poser des questions de qualité de vie au travail".

Pénibilité et QVT

Dans les semaines qui viennent, le directeur général de l'Anact sait que "la demande va arriver par la pénibilité". "Ce sera à nous de faire le lien, de requalifier leur demande. Demain, une entreprise qui réfléchit à prévenir les facteurs organisationnels de la pénibilité a tout intérêt à faire le lien avec la négociation globale sur la QVT, qui va lui permettre de réfléchir à favoriser, par exemple, les sorties d'horaires dits pénibles", pense Hervé Lanouzière. L'Anact souhaite accompagner les entreprises dans cette prise de conscience : "Et à partir de là, en général, elles trouvent toutes seules la bonne solution".

Documents joints : Sondage TNS-Sofres-Anact

Source : Par Elodie Touret (actuel-hse.fr)

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