Le harcèlement moral peut-il résulter d’un comportement passif ?

Posté le 3 mai 2016 | Dernière mise à jour le 4 juin 2020

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Selon l’article L. 1152-1 du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétésde harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Une définition large

L’article L. 1152-1 du Code du travail est muet quant au type d'agissements pouvant être qualifiés de harcèlement moral.

En effet, le harcèlement moral est davantage défini par son objet et/ou son effet : dégrader les conditions de travail du salarié à un point tel que sont atteints ses droits, sa dignité, sa santé physique ou mentale ou son avenir professionnel.

Le Code pénal livre une définition similaire du harcèlement moral, en son article 222-33-2 qui dispose que « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende ».

Ainsi, le Code pénal envisage principalement l’objet et/ou l’effet des agissements constitutifs du harcèlement moral.

Un comportement passif peut donc, a priori, caractériser un harcèlement moral, tant pour le Code du travail que pour le Code pénal.

Dans tous les cas, pour être qualifiés de « harcèlement moral », les agissements coupables doivent présenter un caractère répété, même s’ils se déroulent sur une brève période (Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43152).

À l’inverse, un fait unique (ou isolé) ne saurait caractériser un harcèlement moral (Cass. soc., 15 avril 2008, n° 07-40290).

Compte tenu de la définition large du harcèlement moral, la jurisprudence admet de longue date que des agissements négatifs (« placardisation », mise à l’écart, absence de communication…) soient constitutifs d’un harcèlement moral.

En effet, un comportement négatif ou une abstention peuvent parfois être assimilés à une violence ou ressentis comme telle.

La jurisprudence offre de nombreuses illustrations de ceharcèlement moral « par omission ».

De nombreux exemples jurisprudentiels

 

La Cour de cassation s’est prononcée, à de multiples reprises, sur le comportement de l’employeur ou du responsable hiérarchique visant à isoler le salarié ou à le marginaliser de la communauté de travail. 

Les quelques décisions visées ci-dessous sont caractéristiques de ce harcèlement moral « passif ».

  • Constituent un harcèlement moral les agissements visant à priver le salarié d'affectation précise, régulièrement et pour des périodes prolongées, dans le but de l'isoler du reste de la communauté de travail (Cass. soc., 24 janvier 2006, n° 03-44889).
  • Caractérisent un harcèlement moral l’oubli du nom du salarié dans l'organigramme, sa mise à l'écart, la diminution de ses responsabilités et la notification d'une sanction disciplinaire injustifiée (Cass. soc., 23 novembre 2011, n° 10-18571).
  • Se rend coupable d’un harcèlement moral le supérieur hiérarchique adoptant une stratégie de mise à l'écart de son adjoint (privation de travail et d’informations, de notes de travail et de courriels) (Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-82362).
  • Doit être assimilé à un harcèlement moral le fait d'isoler un salarié de son environnement professionnel et de dévaloriser son travail et sa personnalité, et ce à de multiples reprises (Cass. crim., 4 septembre 2012, n° 11-84794).

Dans ces décisions (non limitatives), la Cour de cassation se fonde sur l’objet ou l’effet des agissements fautifs : la dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. 

Il est donc clair que la forme passive du harcèlement moral est tout autant sanctionnée que le comportement actif ayant cet objet ou cet effet (insultes, injures, brimades, critiques incessantes…).

Précisons, enfin, que les arrêts visés ci-dessus émanent tant de la chambre sociale que de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

En d’autres termes, un comportement passif constitutif de harcèlement moral peut aller jusqu’à entraîner la condamnation pénale de son auteur.

Tous les acteurs des ressources humaines doivent être alertés sur cette forme insidieuse de harcèlement moral que constituent l’isolement, le fait de ne plus parler au salarié ou, encore, de ne plus le convier à des réunions de travail.

  

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  • Xavier Berjot
  • OCEAN AVOCATS