Le bon stress n'existe pas !

Posté le 23 mars 2012 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

altVous avez dit bon stress ? Il n'existe pas ou si peu. Des chercheurs en Neurosciences se sont penchés sur cette nouvelle pandémie du monde professionnel et publient une enquête extrêmement précise. On y apprend que l'hyper-investissement individuel compte parmi les plus gros facteurs de stress. Et que le seul moyen de s'en sortir c'est de développer notre "intelligence adaptative" située dans notre cortex préfrontal.

Qu'on se le dise dans les hautes sphères de l'entreprise : le bon stress n'existe pas ! Une étude menée par l'Institut de Médecine Environnementale en partenariat avec l'Institue of NeuroCognitivism (INC) et TNS Sofres auprès de 7000 actifs dans 5 pays et s'appuyant sur 25 années de recherche a analysé le stress au travail selon ses trois dimensions : l'individu, l'organisation et le management. De quoi réconcilier une bonne fois pour toute, les syndicats pour lesquels la dimension organisationnelle et managériale prône sur celle de l'individu et les dirigeants qui préfèrent taire cette dernière pour en faire un sujet strictement personnel. Or cette étude fouillée est formelle : les trois dimensions sont intimement liées. Mais surtout moins il y a de stress, plus la performance de l'entreprise augmente. Lapalice n'aurait pas dit mieux ! Sur 52 études parues sur le stress dans les 25 dernières années, 90% corrèlent niveau de stress et performance pour montrer comment le premier influe négativement sur le second. "Ce qui est affirmé depuis des années est contredit par 90% des études menées en un quart de siècle", souligne l'IME.

Premier facteur de stress : l'hyperinvestissement au travail

Plus préoccupant, un actif sur trois souffre de stress, d'épuisement psychologique et/ou de perturbation du sommeil à cause du travail, un sur 4 estime que son travail dégrade sa santé. Précis, l'IME a passé les quatre facettes du stress au crible : la réceptivité individuelle aux facteurs stressants ou stressabilité (22% se reconnaissent facilement stressés dès lors qu'ils ont un problème à résoudre au travail), le stress émotionnel (20% qui ressentent fuite, colère et découragement), le stress somatique (24% dont la santé est impactée) et le stress comportemental (16% compensent par le grignotage, la consommation de calmants ou d'excitants...). Mais le premier facteur reste l'hyper-investissement émotionnel qui touche 41% des actifs. Ceux dont l'attitude mentale fusionne avec le projet d'entreprise au point de se créer une dépendance. Comportement reconnu aujourd'hui par les neurobiologistes comme une tendance obsessionnelle qui entre dans le cadre des addictions comportementales et fait le lit des formes majeures de risques et troubles psycho-sociaux. Pour 24% des interrogés il se traduit par "un intense désir de réussir et une peur excessive d'échouer, sans qu'il y ait forcément de grands enjeux" et pour 15% par "un sentiment de déception ou de frustration même si les résultats sont bons et reconnus comme tels". Un comportement qui engendre un syndrome d'épuisement professionnel (15% des répondants étant d'accord pour dire "le moindre échec au travail me donne le sentiment d'un véritable traumatisme dont j'ai du mal à me remettre" et entraînant déception intense, détresse, désespoir), ou génère une démotivation extrêmement amère pour 16% des d'entre eux. Deuxième cause de stress et non des moindres : la démotivation liée au manque de résultat et de reconnaissance qui affecte un actif sur quatre.

Les cadres, une population à risque

Côté catégories entre les plus et moins stressés, l'étude révèle des indications inédites. Les femmes se révèlent ainsi plus stressables que stressés par rapport aux hommes, bien que ceux-ci déclarent plus que les femmes se trouver dans des environnements de travail stressants. L'âge joue aussi sur le niveau de stress : bonne nouvelle, plus on vieillit, plus il décroît, les actifs ayant entre 3 à 5 ans d'ancienneté professionnelle étant ceux qui somatisent le plus en cas de stress. En ce qui concerne la position hiérarchique, les managers encadrant plus de 20 personnes sont moins stressables que ceux livrés à eux-mêmes. Tandis que ceux qui encadrent de 1 à 5 personnes ont plus de stress somatique que ceux qui n'encadrent pas. Mais avoir un supérieur hiérarchique entre également dans les facteurs déclenchant. Ce sont les cadres qui présentent le plus de caractéristiques personnelles à risque avec un stress lié majoritairement à un hyperinvestissement émotionnel au travail (manque d'adaptabilité et de motivation durable ou encore de confiance en soi ou dans l'autre). A contrario, les ouvriers et les employés souffrent plus de stress somatique que les agriculteurs, artisans, commerçants, chefs d'entreprise, cadres et professions libérales. Enfin, sans surprise, c'est dans les grandes entreprises que le management est jugé le plus à risque et que l'organisation est considérée comme la plus perturbante.

Individu, organisation et management, le trio infernal

Mais il serait faux de croire que la dimension individuelle suffit à expliquer à elle seule les facteurs de stress. Tous les statisticiens s'accordent sur le fait que plus on s'approche de 1 dans chacune des dimensions étudiées, plus les corrélations sont fortes. Dans le cas précis la dimension individuelle enregistre un taux de 0,7, quand la dimension organisationnelle atteint 0,52, et la dimension managériale 0,38. S'il est donc d'abord lié à la dimension individuelle, le stress émotionnel et le stress somatique sont aussi dû aux dysfonctionnements organisationnels et à une communication managériale inadaptée, qui touchent près d'un actif sur quatre. D'ailleurs, le stress corrèle également avec les différentes composantes d'une organisation incompatible avec le fonctionnement humain, en particulier dès lors qu'il y a incompatibilité entre responsabilités confiées et pouvoirs décisionnels réellement donnés pour les assumer, mais aussi lorsque l'information circule mal ou que la fonction est mal définie et donc mal occupée. Des classiques des situations professionnelles pourvoyeuses de stress que vivent au moins une fois 85% des actifs pour la première, 59% pour la deuxième, et 89% pour la troisième. Résultat : 95% des répondants rencontrent des problèmes relatifs à au moins une de ces trois sous-dimensions organisationnelle.

Seul rempart : développer son intelligence adaptative

L'état des recherches en Neurosciences permet désormais de décoder les subtilités du fonctionnement du cerveau et les situations perturbantes pour tout être humain, voire insupportable si elles persistent. Ce qui permet à un individu de vivre au mieux est lié à sa capacité d'adaptation située dans le néocortex préfrontal. "A condition organisationnelle ou managériale égale, le niveau de stress d'un individu est d'autant plus faible que sa capacité à solliciter son "intelligence adaptative" est élevée. Mais pour solliciter cette forme d'intelligence, il faut admettre son incompétence, ses erreurs et ses limites et éviter de se verrouiller en mode "je suis compétent". C'est adopter un état d'esprit alliant curiosité, souplesse, nuance, prise de recul et de hauteur, réflexion logique et opinion personnelle pleinement assumée", souligne Jacques Fradin. Bref, c'est lâcher prise plutôt que de s'accrocher coûte que coûte à sa façon de faire, et parvenir à ne pas dramatiser les situations. Un constat que Socrate n'aurait pas démenti avec son aphorisme "je sais que je ne sais rien". Moralité : le stress est donc d'autant plus faible que l'on est capable de solliciter cette fameuse intelligence adaptative, ce qui revient à une forme de résilience aboutie. Un doux mélange entre action et acceptation chères à Epitecte.

Source : La tribune

Espace CHSCT, plateforme N°1 d'information CHSCT, édité par son partenaire Travail & Facteur Humain, cabinet spécialisé en expertise CHSCT et formation CHSCT