Inspection du travail : les amendes administratives sont généralisées

Posté le 9 juin 2016 | Dernière mise à jour le 4 juin 2020

Inspection du travail : les amendes administratives sont généralisées

Amendes administratives, transactions pénales, protection des jeunes, etc. le second volet de la réforme de l'inspection du travail, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2016, accroît les pouvoirs de sanction de l'administration en cas de manquement de l'employeur à la législation du travail.

Afin de lutter plus efficacement contre la concurrence déloyale et le travail illégal notamment, l'inspection du travail a fait l'objet fin 2014 d'une réorganisation en profondeur. Et ce, en dépit des craintes exprimées par de nombreux inspecteurs qui redoutent une atteinte à leur autonomie (notre vidéo). Le premier volet structurel de cette réforme s'accompagne aujourd'hui d'un renforcement des moyens d'action et de sanction de l'inspecteur du travail lorsqu'il intervient en entreprise. Détails de l'ordonnance ministérielle du 7 avril 2016.

 

Rassurer les inspecteurs et renforcer le statut

En marge des mesures propres aux moyens renforcés de l'administration, l'article L. 8112-1 du code du travail regroupe inspecteurs et contrôleurs du travail sous une appellation unique "d'agents de contrôle de l'inspection du travail". Et ce, jusqu'à extinction du corps des contrôleurs du travail.

Les agents de contrôle "disposent d'une garantie d'indépendance dans l'exercice de leurs missions" et "sont associés à la définition des orientations collectives des priorités d'intérêt général pour le système d'inspection du travail, est-il insisté. (...) Ils sont libres d'organiser et de conduire des contrôles à leur initiative et décident des suites à leur apporter".

Pour assurer le respect de "l'agent de contrôle", la sanction en cas d'entrave à son intervention dans l'entreprise est portée de 3 750 euros à 37 500 euros (la peine d'emprisonnement reste d'un an).

Mieux évaluer les risques

En premier lieu, l'ordonnance étend les moyens accordés à l'inspecteur du travail pour évaluer l'existence du risque pour la santé des salariés. Ainsi, la faculté pour l'inspecteur du travail d'exiger "l'analyse de substances et préparations dangereuses" est étendue au pouvoir de faire "analyser toutes matières, y compris substances, mélanges, matériaux, équipements, matériels ou articles susceptibles de comporter ou d'émettre des agents physiques, chimiques ou biologiques dangereux pour les travailleurs" (article L. 4722-1 du code du travail modifié).

Si l'employeur ne se conforme pas aux demandes de vérifications, de mesures ou d'analyses prises par l'inspection du travail, l'administration pourra prononcer une amende maximale de 10 000 euros.

Arrêt de travaux ou d'activité : le champ est élargi

La disposition du code du travail, qui prévoit la possibilité pour l'inspecteur du travail de soustraire immédiatement tout salarié affecté à un chantier du bâtiment ou des travaux publics exposé à un risque grave et imminent pour la santé, est renforcée. Le risque amiante est davantage détaillé et trois nouveaux cas de retrait sont ajoutés :

 

Article L. 4731-1 du code du travail (en gras ce qui change) :

"Sur un chantier du bâtiment et des travaux publics, l'agent de contrôle de l'inspection du travail peut prendre toutes mesures utiles visant à soustraire immédiatement un travailleur qui ne s'est pas retiré d'une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, constituant une infraction aux obligations des décrets pris en application de l'article L. 4111-6, notamment en prescrivant l'arrêt temporaire de la partie des travaux ou de l'activité en cause, lorsqu'il constate que la cause de danger résulte :

1°Soit d'un défaut de protection contre les chutes de hauteur ;

2° Soit de l'absence de dispositifs de nature à éviter les risques d'ensevelissement ;

3° Soit de l'absence de dispositifs de protection de nature à éviter les risques liés aux travaux de retrait et d'encapsulage d'amiante et de matériaux, d'équipement et de matériels ou d'articles en contenant, y compris dans les cas de démolition, ainsi qu'aux interventions sur des matériaux, des équipements, des matériels ou des articles susceptibles de provoquer l'émission de fibres d'amiante ;

4° Soit de l'utilisation d'équipement de travail dépourvus de protecteurs, de dispositifs de protection ou de composants de sécurité appropriés ou sur lesquels ces protecteurs, dispositifs de protection ou composants de sécurité sont inopérants ;

5°) Soit du risque résultant de travaux ou d'une activité dans l'environnement des lignes électriques aériennes ou souterraines ;

6°) Soit du risque de contact électrique direct avec des pièces nues sous tension (...)".

Si l'employeur ne se conforme pas aux décisions de l'inspecteur du travail prises dans le cadre de l'arrêt de chantier ou d'activité, l'administration est autorisée à prononcer une "amende au plus égale à 10 000 euros par travailleur concerné par l'infraction".

Plus généralement, l'amende à laquelle s'expose l'employeur personnellement fautif en matière de santé/sécurité est largement revue à la hausse : 10 000 euros (contre 3 750 euros aujourd'hui) et 30 000 euros en cas de récidive (contre 9 000 euros).

 

Le CHSCT (ou à défaut les délégués du personnel) doit être informé par l'autorité administrative des amendes qu'elle prononce à l'encontre de l'employeur, ajoute le nouvel article L. 4751-2 du code du travail.

Un dispositif de protection des jeunes est créé

L'ordonnance institue aussi un dispositif de retrait d'urgence spécifique aux jeunes âgés de 15 à 18 ans (articles L. 4733-1 et suivants du code du travail). Le jeune, soustrait par l'inspection du travail en raison d'une exposition à un risque grave pour la santé, ne doit subir "aucun préjudice pécuniaire", est-il insisté.  La suspension du contrat de travail ou de la convention de stage s'accompagne donc du maintien de la rémunération ou de la gratification. Dans le cas d'un stage, si le risque persiste et que la convention doit être rompue, la rémunération doit être versée jusqu'à la fin théorique du stage et l'établissement d'enseignement devra assurer la continuité de la formation.

Pour l'employeur, le fait d'exposer un jeune de 15 à 18 ans à des travaux interdits l'expose à une amende de 2 000 euros par travailleur concerné. Et dans le cas d'une suspension du contrat de travail ou stage en raison d'un risque grave, une sanction administrative jusqu'à 10 000 euros par jeune concerné pourra être prononcée contre l'employeur qui ne respecte pas les décisions de l'inspecteur du travail.

L'administration peut transiger sur les délits pénaux

Pour les infractions constituant une contravention ou un délit et en l'absence de poursuite déjà engagées par le parquet, l'administration du travail pourra transiger avec l'employeur. "La proposition de transaction est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges", prévoit l'article L. 8114-6 du code du travail. L'administration disposera donc d'une grande marge d'appréciation. Toutefois, la transaction devra impérativement être soumise à l'homologation du procureur de la République.

Autres amendes administratives

Enfin, l'ordonnance étend la possibilité de prononcer des amendes administratives à divers manquements de l'employeur :

  • violation des durées maximales de travail ;

  • violation des durées minimales de repos (repos quotidien et hebdomadaire) ;

  • violation des règles relatives au décompte de la durée du travail ;

  • non respect du salaire minimum, etc.

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Où en est ce texte ?

Cette ordonnance entrera en vigueur le 1er juillet 2016. À noter que juridiquement, ces modifications apportées à la partie légale du code du travail n'auront dans un premier temps qu'une valeur réglementaire. Ce n'est qu'après ratification par le Parlement que ce texte gagnera véritablement sa force légale.

Julien François http://www.actuel-ce.fr/  (lire l’article original)