Gare à la consultation tardive du CHSCT !

Posté le 3 mai 2016 | Dernière mise à jour le 8 juillet 2020

Gare à la consultation tardive du CHSCT !
 

 

Le fait de consulter le CHSCT sur un projet de réorganisation impactant les conditions de travail, alors que la réorganisation est déjà en cours de mise en œuvre, constitue un délit d’entrave.

D’un côté, un CHSCT qui pose des questions sur un important projet de réorganisation et qui attend des réponses pour pouvoir rendre son avis consultatif. De l’autre, un employeur qui estime avoir tout dit et tout donné et qui décide de poursuivre de déploiement de son projet. Entrave ou pas entrave ?

Il n’y a pas de réponse toute faite, il faut des preuves. Et pour ça, il faut des faits, rien que des faits. Une fois mis bout à bout, ces faits permettront de convaincre le juge que l’employeur n’a pas fait les choses régulièrement. D’où l’importance des procès-verbaux de réunion, des échanges de mails, etc. 

Nouvelle organisation des ventes chez Conforama

Soucieuse de "reprendre la place de leader sur le marché de l'équipement des ménages", une grande enseigne de l’ameublement décide de réaliser "un gros investissement défensif (plus de 2 million d'euros)" ayant notamment comme objectif un agrandissement de 980 m ² du magasin "impactant la surface de vente" ainsi que "l'amélioration des conditions de travail". Mais ce n’est pas qu’une histoire de travaux d’agrandissements. Du fait de la nouvelle organisation de travail, appelée "nouveau concept" ou "concept 4 univers", les vendeurs de rayons traditionnellement distincts seront susceptibles de vendre des produits d'un autre "univers". Cette nouvelle organisation a aussi pour but de favoriser les produits placés en "Libre Emport" sur lesquels les vendeurs ne seront pas rémunérés.

La consultation du CHSCT s'impose

Il s’agit bien d’un projet modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail devant donner lieu à consultation du CHSCT. Ce point-là n’est pas discuté, le CHSCT est bien réuni le 27 avril 2009 pour donner un avis consultatif sur le projet. En revanche, ce qui vivement discuté, c’est la manière dont il l’a été. Au point que les élus du CHSCT finissent par voter le 25 mai 2009 une motion aux termes de laquelle il est dit que bien qu'ayant été consultés pour la troisième fois, le directeur du magasin n’a "toujours pas transmis toutes les informations nécessaires et demandées" ni répondu "de façon claire et précise à toutes leurs interrogations".

La direction, elle, estime avoir répondu à toutes les questions et voit dans cette motion la volonté de bloquer le projet. Elle poursuivra le déploiement du projet travaux.

Le délit d'entre est constitué

Pour les juges, il y a bien eu entrave. Il est intéressant de reprendre ici les principaux éléments de fait mis en avant par le CHSCT et sur lesquels les juges se sont appuyés pour conclure au délit d’entrave :

  • le CHSCT a été réuni pour la première fois le 27 avril 2009 pour être consulté, alors que le démarrage des travaux tel qu'annoncé dans le document remis aux représentants du personnel était prévu dès le 4 mai 2009 ;
  • le 27 avril 2009, le projet de travaux et l'organisation en résultant étaient nécessairement déjà finalisés car les plans et la notice de sécurité afférente, transmis au laboratoire central de la préfecture de police, sont en date du 27 mars 2009 ;
  • les informations qui ont pu être données en amont, à titre personnel, au secrétaire du CHSCT ou à certains de ses membres ne peuvent se substituer à la procédure d'information et de consultation réunissant l'ensemble des membres du CHSCT ;
  • l'information portant sur des travaux, délivrée au CHSCT lors de ses réunions ordinaires des 18 décembre 2007 et 23 septembre 2008 était succincte et ne fait nullement état du nouveau concept ;
  • s'agissant du contenu de l'information sur la nouvelle organisation, ce n'est que lors de la réunion du 12 mai 2009 et sur insistance des élus que la direction a remis un planning des astreintes pourtant réclamé dès la réunion du 27 avril 2009 ;
  • cette communication le jour de la réunion ne permettait pas aux membres du CHSCT d'étudier le document et de poser des questions, d’autant que le planning transmis ne concernait qu'une courte période de deux et n'était pas représentatif ;
  • contrairement à ce qui était prétendu, la lettre adressée par la direction aux membres du CHSCT ne répondait pas aux questions des élus mais se bornait essentiellement à indiquer que l’employeur y avait répondu lors de la réunion du 27 avril 2009.

Si bien que "la concertation a été organisée alors que la décision de réorganisation était en cours de mise en œuvre", déplorent les juges.

Frédéric Aouate, Rédacteur en chef du Guide CHSCT