Expositions professionnelles à des contaminants chimiques et physiques : Analyse différenciée selon le sexe

Posté le 22 septembre 2014 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

La survenue des lésions professionnelles varie selon le sexe. Une des principales explications évoquées est l’existence de nettes différences d’exposition en milieu de travail, découlant notamment des professions occupées par les hommes et par les femmes et de la nature des tâches effectuées. Cependant, il n’existe pas de données solides pour appuyer cette assertion et les analyses traditionnelles en milieu de travail se sont le plus souvent limitées à rapporter le risque en fonction du sexe, sans identifier les raisons pouvant expliquer les différences de risque observées.

Tant le gouvernement du Québec que l’Organisation mondiale de la santé ou les Instituts de recherche en santé du Canada recommandent d’effectuer des analyses différenciées selon le sexe. Or, bien que quelques études aient incorporé le genre dans l’analyse des problèmes musculosquelettiques au travail, seules deux études, de qualité moyenne, ont à ce jour comparé l’exposition des hommes et des femmes à des substances chimiques en prenant en compte la profession et le secteur d’activité économique. L’objectif de la présente étude était d’explorer l’existence de différences d’exposition professionnelle entre hommes et femmes à l’aide de bases de données épidémiologiques existantes.

Deux études épidémiologiques effectuées vers la fin des années 1990 à Montréal ont fourni les données d’exposition; ces études portaient sur la relation entre les facteurs de risque environnementaux (incluant l’environnement professionnel) et le cancer (cancer du poumon et cancer du sein). À l’aide de l’histoire de travail des sujets, des experts ont attribué à chaque emploi occupé par 1 657 hommes et 2 073 femmes une ou plusieurs expositions à partir d’une liste de 243 substances possibles. Dans le cadre de la présente étude, l’exposition professionnelle des emplois occupés par les hommes a été comparée à celle des emplois occupés par les femmes (toutes professions et industries confondues) afin de mettre en évidence, le cas échéant, des différences d’exposition. Puis, les expositions ont été comparées entre les emplois occupés par les deux sexes à l’intérieur des mêmes groupes professionnels, puis des mêmes professions et finalement des mêmes couples « groupe professionnel/groupe industriel ». Pour effectuer ces comparaisons, la concordance entre l’exposition des emplois des hommes et celle des emplois des femmes a été calculée à l’aide de coefficients de corrélation intraclasse. Puis, des proportions de « différences marquées » ont été calculées à partir de la modélisation des différences d’exposition hommes/femmes grâce à l’application de modèles bayésiens hiérarchiques.

Tel qu’anticipé, étant donné les profils d’emploi différents entre hommes et femmes, l’analyse portant sur toutes professions et tous secteurs d’activité économique a montré des différences d’exposition professionnelle entre les emplois occupés par les hommes et ceux occupés par les femmes pour un grand nombre de substances chimiques et quelques agents physiques. De manière générale, les emplois occupés par les hommes étaient jugés exposés en plus grande proportion, notamment aux gaz d’échappement de véhicules à moteur, aux coupes pétrolières, aux hydrocarbures aromatiques polycycliques, aux poussières de matériaux de construction et aux poussières d’abrasifs. En revanche, les emplois occupés par les femmes étaient jugés plus exposés aux poussières de tissus et fibres textiles et aux aldéhydes aliphatiques.

La majeure partie de ces différences de proportion d’exposition disparaissait lorsque l’analyse était restreinte à une comparaison hommes-femmes à l’intérieur d’un même groupe professionnel : sur 4 269 points de comparaison pour lesquels plus de 5 % des emplois occupés par les hommes ou par les femmes étaient jugés exposés, seuls 326 (7,6 %) des points présentaient des différences marquées. Cependant, lorsque les emplois des hommes et ceux des femmes étaient exposés à une substance donnée, l’intensité d’exposition pondérée dans le temps était similaire. Sur les 326 différences marquées de proportion d’exposition entre hommes et femmes, 187 (57,4 %) s’expliquaient par un manque de précision du code professionnel, 78 (23,9 %) par des différences dans les tâches rapportées par les sujets et 51 (15,6 %) par des différences liées au secteur industriel dans lequel le travail était effectué. Finalement, après avoir tenu compte de la profession et du secteur industriel, seuls 3,1 % des différences de proportion d’exposition professionnelle subsistaient toujours sans explication évidente.

En conclusion, il est nécessaire de faire des analyses stratifiées sur le sexe pour mieux percevoir les différences d’exposition professionnelle et de lésions professionnelles, car la seule utilisation de la profession et du secteur d’activité économique ne permet pas de saisir les nuances des tâches associées aux emplois, mais liées au genre du travailleur.

Source : (irsst.qc.ca)

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