État des lieux : le CHSCT après la loi Rebsamen

Posté le 11 avril 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

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La loi de sécurisation de l’emploi (LES) de juin 2013, qui visait la réduction des coûts liés à la représentation du personnel, a eu des effets sur les prérogatives des instances représentatives du personnel (IRP) et notamment sur le fonctionnement du comité d’entreprise (CE). À ce titre, ont été instaurés des délais préfix dans le cadre de la procédure d’information-consultation obligatoire, délais figurant à l’article L. 4612-8 du Code du travail. En cela, les élus du CE doivent à présent respecter un délai d’un mois pour rendre leur avis sur les questions soumises à leur consultation alors qu’auparavant aucun délai n’encadrait cette disposition. Concernant le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), c’est la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, couramment appelée « loi Rebsamen », qui est venue modifier son fonctionnement. En effet, cette loi réduit considérablement les prérogatives des représentants du personnel de cette instance ainsi que leurs moyens d’action. Nous retenons notamment les éléments suivants.

Délais préfix : Information-consultation CHSCT ou ICCHSCT

À l’image des élus du CE, les représentants du personnel au CHSCT ou à l’ICCHSCT sont avec la loi Rebsamen désormais contraints de rendre un avis dans un délai imparti. Ce délai est fixé par accord collectif d’entreprise de droit commun ou par accord entre l’employeur et ces représentants, adopté à la majorité des membres titulaires présents. Le président du CHSCT (l’employeur ou son représentant) participe à ce vote. À défaut d’accord, un délai préfix est à respecter. De cette disposition, nous savons uniquement que ce délai ne peut être inférieur à 15 jours de façon à laisser les représentants du personnel au CHSCT du temps pour étudier les questions qui sont soumises à leur appréciation et de rendre en conséquence un avis motivé. Qui plus est, les représentants du personnel au CHSCT, s’ils sont informés et consultés ensuite, doivent toujours rendre leur avis sept jours avant celui des élus du CE (article R. 2323-11 du Code du travail). En cas d’expertise, le rapport de l’expert doit à son tour être rendu sept jours avant l’expiration du délai incombant aux représentants. Ce délai peut être différent si un accord collectif ou un accord conclu avec l’employeur prennent place.

Nous pouvons voir ici une place prépondérante accordée aux partenaires sociaux les incitant à conclure un accord afin que les représentants du personnel puissent bénéficier de plus de marges de manœuvre que celles ouvertes par les décrets. Surtout s’il s’agit de questions complexes requérant un temps important pour les étudier.

À noter, au même titre que les élus du CE, dans le cas où les représentants du personnel au CHSCT n’ont pas rendu d’avis dans les délais impartis, ce dernier est réputé être rendu et négatif.

Ce délai ne prend pas en compte l’hypothèse d’une situation où l’employeur placerait les représentants en difficulté, comme le fait de ne pas donner les informations ayant trait aux questions soumises à consultation suffisamment tôt pour les étudier ou bien des informations incomplètes ou imprécises. D’usage, les élus du CE peuvent saisir le juge lorsque l’employeur ne parfait pas aux obligations à tenir dans le cadre d’une procédure d’information-consultation (informations inexploitables, insuffisantes, partielles, imprécises, inappropriées, fournies tardivement etc.). Il en va de même pour les représentants au CHSCT. Toutefois, ce recours ne donne pas lieu à une suspension de la procédure et doit donc se faire dans le respect des délais.

Il faut préciser à ce sujet que dans le cas d’un projet de réorganisation et de réduction des effectifs pouvant conduire à la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), les délais qui incombent aux représentants du personnel au CHSCT et aux élus du CE sont différents de ceux avancés précédemment. En effet, ils dépendent de l’effectif de l’entreprise au sein de laquelle ce type de projet prend place. Ces délais sont de :

  • deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à 100
  • trois mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à 100 et inférieur à 250
  • quatre mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à 250.

Toutes les IRP au sein d’une délégation unique du personnel (DUP)

Alors que le moyen de mettre en place une DUP était seulement ouvert aux entreprises de moins de 200 salariés et ne permettait de rassembler uniquement les délégués du personnel (DP) et les élus du CE, les employeurs dont l’entreprise est composée de moins de 300 salariés ont avec la loi Rebsamen la possibilité de rassembler les trois instances en une seule. Bien que le moyen doive faire l’objet d’une information-consultation préalable des instances, il s’agit là d’une décision unilatérale (article L. 2326-1 du Code du travail).

L’instauration de la DUP doit être faite lors de la mise en place des instances ou du renouvellement du mandat des membres. Pour ce faire, il est possible de proroger ou de réduire la durée de certains mandats de représentants du personnel des différentes instances de façon à ce qu’ils prennent fin en même temps pour permettre la mise en place de la DUP (article L. 2326-1 du Code du travail).

Ce moyen ne vise pas à fusionner les instances puisque chacune garde sa personnalité juridique, ses règles de fonctionnement, ses prérogatives, ses moyens d’action, ses attributions etc. Toutefois, il faut reconnaître les effets suivants (article L. 2326-5 du Code du Travail) :

  • un secrétaire et un secrétaire adjoint désignés tous deux par les membres de la DUP prennent respectivement les responsabilités du secrétaire du CE et du secrétaire du CHSCT ;
  • un nombre d’élus est réduit ;
  • un nombre d’heures de délégation pouvant être cumulé dans une limite de 12 mois et réparti entre les membres titulaires ou suppléants ;
  • six réunions annuelles (au lieu de 16 cumulées pour chacune des instances) à raison d’une réunion tous les deux mois, dont quatre doivent être consacrées au champ d’actions du CHSCT ;
  • un ordre du jour commun établi conjointement par le secrétaire de la DUP et l’employeur et transmis aux membres de la DUP huit jours avant la réunion ;
  • un avis unique à rendre à l’issue d’une procédure d’information-consultation obligatoire comportant une partie CE et une partie CHSCT, ce dans les délais impartis au CE (soit un mois) ;
  • une durée des mandats des membres de la DUP fixé à quatre ans ;
  • un recours à l’expertise commun ;
  • des consultations au nombre de trois (au lieu de 17) portant dans un premier temps sur la situation économique et financière de l’entreprise ainsi que la politique de développement et de recherche et l’utilisation du CICE ; dans un second temps sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi intégrant la formation, la durée et l’aménagement du temps de travail, le bilan social et l’égalité professionnelle. Dans un troisième et dernier temps, sur les orientations stratégiques intégrant la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et les orientations de la formation professionnelle.

À noter, pour les entreprises n’ayant pas mis en place une DUP ou dans l’attente, l’employeur a tout de même la possibilité de réunir (de façon ponctuelle) les IRP si ces derniers doivent se prononcer sur un projet commun (article L. 23-101-1 du Code du travail). Toutefois, les avis à rendre respectent les attributions de chacune des instances ainsi que les principes de base soit l’avis du CHSCT à émettre avant celui du CE dans les délais impartis. En cela, une réunion ne fera l’objet que d’un avis, l’avis de l’autre instance donnant lieu à une autre réunion. Ces réunions communes pourront être réalisées par visioconférence.

En outre, une DUP peut être supprimée sous l'une des trois conditions suivantes.

  • L’employeur décide de ne pas renouveler la DUP. Pour ce faire, il doit au préalable informer et consulter les membres de la DUP qui rendent alors un avis. Dès que le mandat de la DUP est arrivé à terme, celle-ci est supprimée et les élections des DP et des élus du CE sont alors organisées ainsi que la désignation des représentants du personnel au CHSCT.
  • L’effectif de l’entreprise est passé en dessous des 50 salariés pendant 24 mois consécutifs ou non (ce, au cours des trois années précédant la date de renouvellement de la composition de la DUP). À ce titre, l’employeur peut décider de la supprimer. Dans ce cas, les DP revêtent alors les attributions propres aux élus du CE et aux représentants du personnel au CHSCT.
  • L’effectif de l’entreprise est passé en dessous des 300 salariés ou est égal. Les membres de la DUP poursuivent leur mandat jusqu’à échéance, puis celle-ci est supprimée. Des élections, chacune respective des instances, sont alors organisées.

Délégation de prérogatives au profit de l’ICCHSCT

L’ICCHSCT a été créée en 2013 avec la LSE. Son instauration, soumise à la libre appréciation de l’employeur, permet entre autre un recours à une expertise commune aux différents CHSCT composant cette instance en cas de projet important modifiant les conditions de travail ou de risque grave, les deux motifs conduisant à ce type de recours. En ce sens, les différents CHSCT constituant l’ICCHSCT n’ont pas la possibilité de recourir à une expertise si cette instance est en place. Toutefois, chaque CHSCT conserve son droit à être informé et consulté, et ainsi de rendre un avis sur des questions entrant dans son champ d’actions.

La loi Rebsamen modifie ces dispositions dans le sens où les différents CHSCT ne sont plus informés ni consultés sur ces questions ; seule l’ICCHSCT l’est et rend un avis (article L. 616-1 du Code du travail). Les différents CHSCT gardent leur droit à information et consultation uniquement pour les questions qui leur sont propres et non celles portant sur l’ensemble des CHSCT, et relevant de la compétence de leur chef d’établissement.

À noter : l’avis que rendent les représentants du personnel d’un CHSCT est dans tous les cas transmis à l’ICCHSCT, ce dans des délais là fixés par un décret en Conseil d’État. En outre, ce principe de double consultation existe également pour les comités d’établissement et les comités centraux d’établissements (CCE).

Renforcement du rôle de la BDES

La base de données économiques et sociales (BDES) doit obligatoirement être mise en place au sein de toutes les entreprises quel que soit leur effectif, ce depuis le 1er janvier 2016. Cette base doit être mise à jour de façon continue et être à la disposition des IRP (articles L. 2323-8 et L. 2323-9 du Code du travail).

La loi Rebsamen réaffirme le rôle de cette base de données. Ainsi, au sein de celle-ci peuvent figurer les informations relatives aux questions soumises à la procédure d’information-consultation obligatoire du CE et consécutivement du CHSCT. Aussi, cette disposition ne concerne que les trois consultations annuelles dont l’objet a été défini précédemment. En effet, concernant les consultations ponctuelles, les représentants du personnel bénéficient toujours d’informations spécifiques aux questions qui sont soumises à leur appréciation. En pratique, ces informations leur sont envoyées en même temps que la convocation à la réunion d’information, soit la première réunion dans la procédure d’information-consultation.

DUP pour les entreprises de + 300 salariés

Avec la loi Rebsamen, un droit a été ouvert aux entreprises dont l’effectif atteint 300 salariés et plus. Celles-ci ont en effet la possibilité de regrouper des IRP si un accord collectif majoritaire a été conclu entre les organisations syndicales majoritaires aux élections des élus titulaires au CE et l’employeur (article L. 2391-1 du Code du travail). En cela, l’accord prévoit que l’employeur peut regrouper les DP, le CE et le CHSCT ou bien seulement deux instances. Le fonctionnement de cette DUP conventionnelle (nombre de réunions, transmission de l’ordre du jour, nombre de titulaires, rôles des titulaires et suppléants, nombre d’heures de délégation, nombre de jours consacrés à la formation, mise en place de commissions légales etc.) est aussi défini par cet accord. Toutefois, des règles a minima qui paraîtront prochainement au sein de décrets seront à respecter. À titre d’exemple, si les trois instances sont regroupées, celles-ci bénéficient de 16 heures de délégation par mois, et de 12 heures si la DUP conventionnelle ne rassemble que deux instances.

La mise en place de cette DUP conventionnelle se fait dès la première élection ou lors du renouvellement des mandats des IRP. Pour ce faire, la durée de ces mandats peut être prorogée ou réduite de façon à ce qu’ils prennent fin au même moment afin de mettre en place cette DUP. À noter que cette instauration ne nécessite pas la consultation des IRP puisqu’elle résulte d’un accord.

Il faut entendre dans cette DUP conventionnelle une fusion des instances, contrairement à la DUP « traditionnelle », pour laquelle une personnalité morale existe. Aussi, bien que le CHSCT y soit intégré, ce dernier est réduit à être une commission « à laquelle peuvent être confiées, par délégation, tout ou une partie des attributions reconnues au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». En cela, le CHSCT en tant que tel est dissolu.

La loi Rebsamen affecte incontestablement les représentants du personnel, notamment ceux du CHSC. Bien qu’elle prétende simplifier le dialogue social, il n’en reste pas moins qu’elle semble néfaste pour les IRP du fait qu’elle réduise leurs moyens (moins d’heures de délégation pour parfaire à leurs prérogatives, des délais préfix qui réduisent le temps d’étude des questions soumises à consultation etc.) et leur pouvoir (une expertise commune pour le CE et le CHSCT) et tend à confondre leurs attributions (avis commun sur des dispositions pourtant différentes). En cela, nous pouvons penser à une fusion « cachée » en dépit des précautions qui semblent être prises. La dernière disposition concernant les entreprises de plus de 300 salariés va encore plus loin puisque non seulement elle permet une « réelle » fusion des instances mais qui plus est, réduit le rôle du CHSCT à être une simple commission dépourvue de moyens et de pouvoir. Il s’agit d’un véritable retour en arrière pour une loi qui se voulait pourtant optimiste…(Site : Mirroir Social du 4 avril 2016)