Etat dépressif d’un salarié : la négligence ou l'inertie de l'employeur relève de la faute inexcusable

Posté le 8 juillet 2014 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

La Cour de cassation enfonce le clou : un employeur peut être condamné pour faute inexcusable lorsqu’il a provoqué et/ou négligé l’état dépressif d’un salarié.

Un cadre de la société Renault a été retrouvé mort noyé dans un plan d’eau situé sur un terrain appartenant à l’employeur. L’enquête démontre que ce suicide était relié à des problèmes professionnels. En effet, sur son avant-dernier poste, le cadre en question avait été affecté à un poste pour lequel il n’avait pas les connaissances requises sans que l’employeur se préoccupe de lui donner la formation nécessaire. Cette situation avait créé chez l’intéressé un profond désarroi se traduisant par des échanges de courriels avec les membres de son équipe et son supérieur hiérarchique dans lesquels il avait sollicité, en vain, l’aide nécessaire pour effectuer les missions confiées dans les délais impartis.

L’abandon dans lequel il avait été laissé avait entraîné l’hospitalisation de ce cadre pendant quinze jours pour des troubles dépressifs sévères. Il avait même dû, un soir, faire appel aux services de police afin d’éviter de mettre sa vie en danger. À son retour, il fut convoqué par le médecin du travail qui recommanda un changement d’affectation, préconisation qui ne fut suivie que quelques mois plus tard.

La Cour de cassation condamne l’employeur pour faute inexcusable car il « avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé et qu’il n’avait pas pris de mesures suffisantes pour l’en préserver. »

La société Renault a déjà été condamnée pour faute inexcusable à la suite d’un suicide d’un salarié, notamment parce que l’employeur n’avait pas alerté le médecin du travail (TASS Nanterre, 17 déc. 2009). Cette fois-ci, il est reproché à la direction d’avoir tardé à tenir compte de l’avis médical. À cette négligence s’ajoute le fait d’avoir provoqué l’état dépressif en mettant le salarié en situation d’échec.

L’affaire est analysée du point de vue de la législation de sécurité sociale, la 2ème chambre civile ne fait donc pas état d’un manquement à l’obligation de sécurité de résultat, comme l’aurait certainement fait la Chambre sociale. Mais ce manquement transparaît en filigrane dans la décision de la 2ème chambre civile. En effet, le cadre en question s’étant suicidé plus de quatre mois après son changement d’affectation, l’employeur avait plaidé que la conscience du danger qu’il aurait dû avoir et le caractère suffisant des mesures prises pour préserver le salarié doivent s’apprécier à la date de la survenance de l’accident du travail. Cette thèse n’a pas été retenue, seul compte le lien de causalité entre l’attitude de l’employeur et l’accident. Une réaction tardive n’est suffisante ni au regard du droit du travail, ni au regard du droit de la sécurité sociale.

Cass. 2ème civ., 19 sept. 2013, pourvoi no 12-22.156, arrêt no 1390 F-D

Source : (wk-rh.fr)

Espace CHSCT, plateforme N°1 d'information CHSCT, édité par son partenaire Travail & Facteur Humain, cabinet spécialisé en expertise CHSCT et formation CHSCT