D’une obligation de résultat à une obligation de moyens renforcée ?

Posté le 11 juillet 2016 | Dernière mise à jour le 18 mai 2020

D’une obligation de résultat à une obligation de moyens renforcée

Note sous Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 octobre 2015, 14-20.173, réalisée par Léa RUSCONNE, Master 2 Droit de la santé en milieu de travail, sous la direction de Céline Leborgne-Ingelaere, Maître de conférences à l’Université Lille 2 CRDP-LEREDS.

L’employeur est responsable de la santé mentale et physique de ses salariés, au sein de son entreprise, il est tenu par une obligation de résultat. Néanmoins, une évolution jurisprudentielle est en constante progression, l’employeur, prévenant et réactif, verrait ce comportement récompensé, en effet, sa responsabilité ne serait plus systématiquement engagée si des mesures de prévention sont mises en place, risque réalisé ou non.

En vertu du contrat de travail qui le lie au salarié, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés. La notion d’«obligation de résultat» a été reconnue explicitement pour la première fois par la chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 novembre 1911 (1), non publié, à propos d’un contrat de transport. Dans les rapports entre l’employeur et le salarié, la doctrine a souligné le fondement contractuel de cette obligation : «L’employeur est débiteur de la sécurité de l’ouvrier et ce dernier n’est pas en mesure de contrôler les mesures de sécurité, car il est dans une situation de subordination juridique qui l’oblige à subir les actes de direction» (2).

La distinction entre obligation de moyens et obligation de résultat est d’origine doctrinale

(3). Selon cette distinction, l’obligation de moyens oblige le créancier lésé à prouver la faute de son partenaire. A l’inverse, lorsque l’obligation est de résultat, le simple fait de ne pas honorer son obligation suffit à mettre en cause la responsabilité du débiteur. On peut déduire de textes internationaux que le chef d’entreprise est soumis à une obligation de résultat. Selon l’article 31§1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, «tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité». Les conditions de travail décrites par cet article doivent être mises en œuvre, dans l’entreprise, par l’employeur.

Parmi les textes de droit positif français, on retrouve l’indispensable article L 4121-1 du Code du travail selon lequel «L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes».

L’employeur a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité

et protéger la santé des salariés de l’entreprise. Il doit mettre en œuvre les moyens destinés à diminuer le risque de maladie professionnelle et d’accident du travail et à empêcher qu’un salarié soit victime d’une telle maladie ou d’un tel accident. Si l’obligation de résultat n’est pas remplie, la responsabilité du chef d’entreprise peut être engagée (4).

Mais on peut aussi déduire de la jurisprudence de la Chambre sociale que l’obligation de l’employeur est une obligation de résultat. En effet, depuis les arrêts amiante de 2002 (5), l’employeur a une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés. Ainsi, il doit éviter tout risque psychosocial pour eux et mettre tout en œuvre pour que la sécurité et la santé au sein de son entreprise soient assurées. On peut donc retenir, de ces arrêts, que la responsabilité de l’employeur en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle peut être engagée sans qu’il soit besoin pour la victime d’apporter la preuve d’une faute de l’employeur. La simple constatation du manquement à l’obligation de sécurité suffit désormais, et ce même en l’absence d’accident du travail et de maladie professionnelle.

Dans l’arrêt AREVA du 22 octobre 2015, il est question de risques psychosociaux pour les salariés. Il faut rappeler que le mal-être psychique au travail constitue aujourd’hui l’une des problématiques centrales des salariés. La souffrance au travail est aujourd’hui au cœur des difficultés des salariés et devient l’une des principales préoccupations des employeurs. Les risques psychosociaux regroupent essentiellement le stress, l’épuisement professionnel aussi appelé burn-out, le harcèlement, les addictions, le suicide, la dépression…(6).

Est-ce que la Cour de cassation, dans son arrêt AREVA, confirmera sa jurisprudence, adoptée

depuis 2002, pour répondre aux maux actuels de la société ou est-ce qu’elle effectuera un revirement afin d’alléger la responsabilité de l’employeur et de redonner du sens à l’obligation de sécurité qui est évoquée à tort et à travers dans les conflits entre employeur et salarié ?

Dans le présent arrêt, la société AREVA consulte les institutions représentatives du personnel (IRP) et l’autorité de sûreté nucléaire pour la mise en œuvre d’un projet de restructuration de l’entreprise et d’externalisation (direction confiée à un prestataire extérieur). Le projet a été annoncé en juillet 2010 et mis en place en mars 2011. La société AREVA souhaite confier à une entreprise sous-traitante certaines activités de maintenance. Deux syndicats (CGT d’AREVA + CGT de l’énergie nucléaire) saisissent le Tribunal de grande instance (TGI) pour l’annulation et la suspension de la mise en œuvre du projet en invoquant l’affaiblissement de la capacité de maîtrise des risques de l’entreprise et la génération de risques psychosociaux importants. Par une décision du TGI de Paris du 5 juillet 2011, le projet est annulé suite aux risques psychosociaux subis par les salariés. La société AREVA interjette appel de cette décision devant la Cour d’appel de Paris.

Selon la Cour d’appel, le risque psychosocial n’est pas déterminé, les conditions de travail ne sont pas de nature, à elles seules, à interdire la mise en œuvre du projet litigieux. La Cour d’appel subordonne l’interdiction d’une mesure attentatoire à la santé et à la dignité des salariés à l’exigence d’un certain degré de gravité. De plus, il ressort des diverses mesures d’accompagnement mises en place, à la demande de la société AREVA, que le risque psychosocial engendré par le projet avait été réduit.

Les syndicats forment un pourvoi pour violation de l’article L.4121-1 du Code du travail. Selon eux, il est interdit, pour l’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé, la sécurité et la dignité des salariés. Or, selon aux, le projet a généré, chez les salariés, un hyper-stress ayant entraîné des pathologies anxio-dépressives. De plus, selon les demandeurs au pourvoi, les salariés sont contraints, après la mise en œuvre du projet, de former, en plus de leur travail initial, leurs successeurs dans des conditions dégradantes et avec la certitude de devoir s’adapter à un nouveau poste de travail. En se fondant, pour apprécier la gravité du risque psychosocial, sur des mesures qui avaient été mises en place avant la mise en œuvre du projet, la Cour d’appel ne peut pas apprécier justement les risques.

L’employeur satisfait-il à son obligation de sécurité, auprès de ses salariés, s’il a mis en place des mesures, en amont du projet, visant à prévenir et à réduire leurs risques psychosociaux ? L’obligation de l’employeur, en matière de sécurité, est-elle de résultat ou de moyens ?

La Cour de cassation rejette le pourvoi et déboute les syndicats de leur demande. Elle maintient le projet de restructuration de la société AREVA aux motifs que l’employeur avait initié, outre un processus de reclassement des salariés, un plan global de prévention des risques psychosociaux avec un dispositif d’écoute et d’accompagnement ainsi qu’un dispositif d’évolution des conditions de vie au travail et de formation des managers. Cette démarche s’était poursuivie dans la durée, donnant lieu à un suivi mensuel. L’employeur, ayant mis en place un suivi des salariés pour limiter leurs risques psychosociaux, a rempli son obligation de sécurité.

D’une véritable obligation de résultat…

Dès lors que le résultat se produit, l’employeur est automatiquement condamné pour manquement à son obligation de sécurité de résultat et il ne peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant ses diligences. Une telle obligation de résultat limite le pouvoir de direction dans le cadre d’une réorganisation car l’employeur ne peut pas prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité de ses salariés. De plus, l’employeur doit prendre en compte, dans le cadre de la mise en place d’une évaluation des salariés, les risques physiques et psychosociaux. Dans un arrêt de novembre 2012 (7), le management par le stress, destiné à obtenir une réduction des coûts, doit être écarté et la responsabilité directe des employeurs est retenue à la suite d’un infarctus dont a été victime un de leur cadre dirigeant.

L’obligation de sécurité de résultat de l’employeur est aussi affirmée dans le cadre du tabagisme passif (8), ce qui démontre bien l’importante prise en considération de la part de la Cour de cassation qui admet systématiquement l’engagement de la responsabilité de l’employeur, basée sur cette fameuse obligation. V.M. BLATMAN évoque une «expansion continue de la référence à l’obligation de sécurité de résultat» (9). A partir de ces arrêts, confirmés par l’arrêt SNECMA du 5 mars 2008, l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur atteint son apogée. La Cour de cassation confirme sa décision, notamment en 2010 (10) alors que le tabagisme n’avait pas d’effet néfaste avéré sur la santé du travailleur. Puis, le 3 juin 2015 (11), où la participation volontaire de la salariée, non fumeuse, aux pauses cigarettes de ses collègues n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité.

L’obligation de résultat se retrouve dans de nombreux contentieux.

objectif

C’est ce que démontrent d’ailleurs les deux arrêts de la Chambre sociale du 3 février 2010(12). L’employeur mute le salarié à l’origine des violences pour qu’il ne soit plus en contact avec la victime (salariée de l’entreprise). La Cour d’appel considère que l’attitude de l’employeur (décision de mutation) «était responsable pour prévenir tout nouveau conflit» mais la Cour de cassation casse cette décision au motif que l’employeur est soumis à une obligation de sécurité de résultat en cas de violence entre salariés. Il est donc responsable même s’il a pris des mesures en vue de faire cesser les agissements, car les violences ont été commises. Une même décision avait été rendue en matière de harcèlement moral, en juin 2006 (13)

On peut considérer que ces arrêts cités sont différents de celui du 22 octobre 2015. En effet, il s’agit de violences et de harcèlement moral sur l’un des salariés personnellement. Nous pouvons considérer les faits comme plus «sensibles», des faits qui méritent une réaction plus virulente. Il y a un risque avéré et réalisé sur la santé du salarié concerné, il a subi les actes violents et harcelants d’un collègue et continue peut être même de les subir. Néanmoins, ce qui est relevé, ici, c’est bien le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat. En effet, le simple fait que de tels agissements se soient produits suffit à prouver que l’employeur a failli à son obligation. Cette décision peut paraître difficilement justifiable quand on connaît le revirement d’octobre 2015 (pourquoi reconnaître le manquement à l’obligation de sécurité de résultat quand un seul salarié est victime et ne pas le reconnaître quand tous les salariés sont concernés alors même que, dans les deux cas, l’employeur est intervenu pour faire cesser les troubles) mais compréhensible au regard des faits (l’employeur en adoptant le projet litigieux a mis en place des mesures de prévention des risques pour les salariés alors que le harcèlement ne peut pas être prévu).

D’ailleurs, on ne peut savoir quelle sera la décision adoptée par les juges concernant les questions de harcèlement, alors même que l’employeur aurait pris des mesures pour le faire cesser. On peut penser que la Cour de cassation adoptera la même solution.

S’agissant de l’arrêt ici commenté, la Cour de cassation se fonde sur la mise en place de mesures préventives par l’employeur. Est-ce que le fait que l’employeur, en mettant en place le projet, a également mis en place un dispositif d’écoute et un suivi mensuel des salariés, avant même l’apparition des troubles psychosociaux, joue sur la décision de la Cour ? Le fait que le projet causant le trouble soit mis en place simultanément avec les mesures de prévention et d’écoute, avant même l’apparition réelle du trouble, peut être la raison du revirement.

Il convient de noter le revirement de jurisprudence entre l’arrêt de 2008 (14) et celui de 2015. En effet, les faits sont sensiblement identiques puisque les deux arrêts concernent la mise en œuvre d’un projet de restructuration de l’entreprise provoquant des risques pour la santé et la sécurité des salariés. Le projet de restructuration suspecté de causer d’éventuels troubles psychosociaux chez les salariés est rejeté en 2008 mais maintenu en 2015. Au regard des faits de l’arrêt 2008, il n’est pas fait mention d’un dispositif préventif, d’un suivi des salariés, d’un dispositif d’écoute… On peut donc penser que le revirement est bien fondé sur l’existence de mesures préventives et de suivis mis en place par l’employeur lors de l’adoption du projet.

La Cour de cassation, dans son arrêt «SNECMA» de 2008, suspend le projet de restructuration de l’entreprise au nom de la protection de la santé des salariés (suite à une nouvelle organisation du travail). La décision est la suivante, «L’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Il lui est interdit, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés». En 2008, un projet de restructuration susceptible de créer des risques psychosociaux chez les salariés ne peut pas être mis en œuvre car l’employeur ne respecte pas son obligation de sécurité de résultat.

Sur cette décision de 2008, selon J.E. RAY, «s’il semble raisonnable d’interdire au chef d’entreprise de prendre des mesures qui auraient pour objet de compromettre la santé des salariés, lui interdire de prendre des mesures qui auraient pour effet de compromettre la santé physique et mentale des salariés mérite plus ample examen : car quelle mesure patronale n’aura jamais pour effet de générer du stress chez certains collaborateurs et donc de porter éventuellement atteinte à leur santé mentale» (15). Le travail procure toujours un certain stress chez les salariés, peu importe qu’ils se sentent bien ou non au sein de leur entreprise, comment l’employeur peut-il alors supprimer tout stress pour les salariés et encore plus comment peut-il le faire en amont ?

Pour finir, il faut rappeler que l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur n’est pas remise en cause, elle trouve toujours son fondement légal au sein de l’article L 4121-1 du Code du travail relatif à l’obligation générale de prévention de l’employeur. L’obligation de sécurité est toutefois assouplie, elle est moins sévère pour l’employeur qui sera prévoyant et réactif.

…A une obligation de moyens renforcée

La Cour de cassation exige que l’employeur prenne en considération la question des risques, et qu’il établisse des mesures d’accompagnement pour la réorganisation. Mais il n’est pas relevé que les juges du fond seraient parvenus à la conclusion que le projet de réorganisation n’était pas de nature à compromettre la santé et la sécurité des salariés. La Cour se contente des mesures d’accompagnement prises par l’employeur, peu importe que le projet crée ou non une situation à risques. L’employeur reste libre de décider de la restructuration qui convient à l’entreprise, c’est son pouvoir de direction qui prévaut. L’employeur, devant un risque sur la santé et la sécurité des salariés créé par sa décision de restructuration, doit prendre les mesures qui s’imposent pour éviter la réalisation du risque.

Cette solution permet d’ailleurs de donner sens à l’arrêt «FNAC » du 5 mars 2015 (16) non publié dans lequel la Cour de cassation approuve également le rejet d’une demande de suspension de réorganisation. En effet, les représentants des salariés «ne démontrent pas que la réorganisation de l’entreprise dans le cadre du projet Fnac 2012 entraîne des risques psychosociaux caractérisés ou avérés pour les salariés de l’entreprise et que l’employeur n’a pas rempli ses obligations légales et conventionnelles en matière de sécurité des travailleurs».

Plusieurs arrêts laissaient d’ailleurs supposer à un assouplissement à l’avantage de l’employeur. Ainsi, par exemple, un arrêt inédit rendu le 21 mai 2014 énonce «L’employeur, qui avait pris les mesures utiles pour assurer la santé et la sécurité de la salariée, n’avait pas manqué à ses obligations» (17). Dans un arrêt d’espèce, mais dans une situation de harcèlement entre salariés, l’employeur peut également s’exonérer du manquement à l’obligation de sécurité en démontrant «avoir tout mis en œuvre pour que le conflit personnel entre deux salariées puisse se résoudre au mieux des intérêts de l’intéressée» (18). Dans le même ordre d’idée, la Chambre sociale, tout en maintenant le caractère d’obligation de résultat, jugeait que le manquement de l’employeur à cette obligation ne justifiait pas nécessairement la prise d’acte de la rupture du contrat de travail lorsque le manquement ne rendait pas impossible le maintien du contrat (19).

Aujourd’hui, la suspension du projet n’est encourue que si l’employeur n’agit pas pour prévenir et éviter les risques inhérents à son projet de réorganisation. La suspension d’un projet suppose la réunion de deux conditions cumulatives à savoir la création d’un risque sur la santé et la sécurité et l’absence de mesures prises par l’employeur pour pallier ce risque.

L’obligation de sécurité de résultat

(qui engage la responsabilité de l’employeur dès lors que le résultat se produit alors que des mesures de prévention adéquates avaient été mises en œuvre) semblerait se transformer en une obligation de moyens renforcée par laquelle l’employeur peut se déresponsabiliser en démontrant avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (20). On peut voir ici une évolution favorable à l’employeur. En effet, celui-ci peut «se défendre» face à ses salariés, au statut de victimes, lorsqu’il est démontré qu’il a agi pour leur sécurité en mettant en œuvre différents moyens afin d’éviter ou de limiter tout risque sur la santé et la sécurité de ses salariés (21).

La décision du 22 octobre 2015 est confirmée par celle du 25 novembre 2015 (22). Avant ces deux dates, l’obligation de sécurité de l’employeur était considérée comme une obligation de résultat. Aujourd’hui, on peut affirmer que la Cour de cassation vient solennellement mettre fin à cette obligation de résultat. Le second arrêt énonce «Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail».

Il s’agit bien d’une obligation de moyens renforcée mais l’exonération restera toujours difficile à apporter, même s’il ne s’agit plus d’une responsabilité automatique car l’employeur ne doit pas montrer qu’il a pris les mesures « utiles » ou « nécessaires » comme ces termes ont parfois été employés par des arrêts récents, il doit démontrer avoir pris « toutes » les mesures prévues par le Code du travail. Donc la responsabilité des employeurs, en cas de manquement à l’obligation de sécurité, pourra encore être engagée, tant la liste de mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail est imposante (23).

Cet assouplissement jurisprudentiel préserve la recherche d’une protection effective de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il incitera certainement plus les entreprises à agir en faveur de la sécurité, pour être en capacité de prouver leurs diligences et leurs actions en amont. Cela devrait en tout cas freiner la tendance à l’invocation systématique du manquement à l’obligation de sécurité, qui finit par la vider de son sens.

  1. 1. Cass. Civ., 21 nov. 1911, Cie Générale Transatlantique c/ Zbidi Hamida ben Mahmoud, DP, 1913, 1, p.249
    2. SEILLAN H., L’obligation de sécurité du chef d’entreprise, Dalloz, 1981
    3. DEMOGUE R., Traité des obligations en général, 1923, p. 599
    4. Dictionnaire de droit du travail, éd. Tissot Cass. Soc., 28 fév. 2002, N°835
    5. PESKINE A., WOLMARK C., Droit du travail 2016, 10e éd., Hypercours Dalloz, P.318
    6. Cass. Soc. «SEDIH & SOGEC EUROPE», 8 nov. 2012, N°11-23
    7. Cass. Soc., 29 juin 2005, N°03-44.412
    8. V.M. Blatman, L’obligation de sécurité de résultat de la Cour de cassation en six étapes, Semaine sociale Lamy, 25 mars 2008, N°1295, p.6
    9. Cass. Soc., 6 oct. 2010, N°08-45.609
    10. Cass. Soc., 3 juin 2015, N°14-11.324
    11. Cass. Soc., 3 fév. 2010, N°08-44.019 // Cass. Soc., 3 fév. 2010, N°08-40.144
    12. Cass. Soc. «PROCARA», 21 juin 2006, N°05-43.914
    13. Cass. Soc. «SNECMA», 5 mars 2008, N°06-45.888
    14. Ray J-E., Droit du travail, droit vivant, 2015-2016, Éd. Liaisons, p.146 Cass. Soc. «FNAC», 5 mars 2015, N°13-26.321, non publié au bulletin
    15. Cass. Soc., 21 mai 2014, N°13-12.666
    16. Cass. Soc., 3 déc. 2014, N°13-18.743
    17. Cass. Soc., 11 mars 2015, N°13-18.603
    18. DANIS C., Obligation de sécurité : la fin de l’obligation de résultat ?, JuriTravail, 15 déc. 2015
    19. HENRY M., Droit du travail : obligation de sécurité de résultat – revirement, JuriTravail, 14 déc. 2015
    20. Cass. Soc. «Airfrance», 25 nov. 2015, N°14-24.444
    21. TOURNAUX S., L’obligation de sécurité de l’employeur, retour à la case départ. Lexbase revues, 10 déc. 2015
    22. Cass. Soc. «Airfrance», 25 nov. 2015, N°14-24.444
    23. TOURNAUX S., L’obligation de sécurité de l’employeur, retour à la case départ. Lexbase revues, 10 déc. 2015