Données de santé au travail : le Cnam vise la montée en compétences des CHSCT

Posté le 7 juin 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

 

Le conservatoire national des arts et métiers (Cnam) travaille à l'élaboration d'un référentiel de compétences sur l'analyse des données de santé au travail. Le but, à partir de ce référentiel : former élus CHSCT et entreprises, pour qu'ils puissent se saisir de ces données et en débattre en bonne intelligence.

"5 000 manifestants selon les syndicats, 200 selon la police". Les discussions CHSCT-employeur peuvent aussi parfois ressembler à cela, quand il est question de données de santé type taux de fréquence ou taux de gravité. Or "si le CHSCT veut lancer une alerte sur un de ces indicateurs, mieux vaut qu’il fasse consensus", analyse Thomas Furtado, membre du pôle risque-santé-sécurité du Cnam (conservatoire national des arts et métiers). Dans le cadre d’une conférence sur le droit d’alerte du CHSCT organisée à Paris par le média Miroir Social, il présentait le mercredi 9 mars le projet sur lequel travaille son équipe. L’élaboration d’un référentiel de compétences sur les données de santé au travail, pour pouvoir d'ici peu former employeurs et élus CHSCT sur le sujet. Le but : leur apprendre à mobiliser intelligemment ces données pour ensuite mettre en place des actions de prévention bien ciblées.


Une utilisation à mauvais escient des données

De ses observations et échanges avec les acteurs du terrain (Cnamts, INRS, syndicats, élus CHSCT, etc.), Thomas Furtado a tiré plusieurs conclusions. Tout d’abord, fait-il remarquer, les entreprises qui mettent en place des actions de prévention santé-sécurité ne pensent pas souvent à instaurer un suivi rigoureux de ces mêmes actions. Or "pour améliorer, il faut mesurer", pose-t-il. Par ailleurs, il pointe le fait que "les questions de santé en entreprise sont souvent débattues sur des cas individuels". Difficile à partir de données tirées d'un cas particulier de "construire des actions de prévention pour un collectif". Troisième constat : les entreprises lorsqu'elles ont des données de santé au travail ne les utilisent pas toujours bien. "Comparer par exemple les données d’absentéisme de deux ateliers sans prendre en compte la pyramide des âges de ces deux ateliers ne sert à rien", pointe Thomas Furtado, dans la mesure où les salariés jeunes sont plus souvent absents, mais les salariés âgés absents le sont sur de plus longues durées. Enfin, elles ne replacent pas toujours suffisamment ces données dans leur contexte. "Un grand nombre d’intérimaires peut être le reflet d’un problème d’absentéisme ou d’une mauvaise organisation du travail. Mais dans une TPE du bâtiment, cela peut aussi être le signe d’une bonne santé économique", illustre-t-il.

Même langage, même méthode de calcul

Afin d’aider CHSCT et employeurs à ne plus perdre leur temps à débattre de la validité de leurs diagnostics respectifs sur le nombre d’accidents du travail par exemple, le Cnam juge nécessaire une montée en compétences sur la mobilisation des données de santé au travail. Ils doivent pouvoir conjointement les élaborer, puis s'en servir. Cela qui passe d'abord par l'apprentissage du "même langage", pour pouvoir parler "de la même chose". Pour cela, le Cnam leur propose d'abord d'acquérir des compétences basiques du référentiel : apprendre à repérer les données de santé au travail et à les analyser. Il s’agira aussi de savoir décrypter telle ou telle représentation graphique d’une donnée. Autre objectif, à terme : permettre aux élus de CHSCT et aux entreprises de mobiliser les données de santé en fonction de leurs priorités côté prévention. Pour ce faire, le Cnam mise sur l’enseignement de méthodes communes de calcul d’indicateurs de santé au travail. L’accompagnement au calcul de ces indicateurs serait dispensé dans un second temps.

La formation en elle-même

Car après avoir suivi 20 heures de cours sur les bases du sujet directement au Cnam ou à distance, élus CHSCT et employeurs recevraient un animateur du réseau du Cnam au sein de leur structure pendant 20 autres heures. Objectif de cette cession : "ancrer le travail réalisé les 20 premières heures dans l'entreprise". Quant aux 20 dernières heures, elles seraient destinées au travail personnel de l’apprenant. À noter que pour recevoir ces enseignements, il ne serait donc pas obligatoire d’être à Paris, où se situe le Cnam.  Selon Thomas Furtado, le Cnam songe à sanctionner la réussite à l’examen final par la délivrance d’un certificat de compétence. Pour l’heure, cet enseignement sur les données de santé au travail peut s’intégrer à une formation X ou Y du Cnam en santé au travail, elle-même validée par un diplôme. Le coût de l'enseignement, lui, serait "encore à l’étude". Gadget ou fondamental ? Pour le formateur, "il ne s'agit pas d'adopter une approche tout statistique non plus, mais bien de construire des actions de prévention efficaces". "D'ailleurs", ajoute-t-il, "pour cela, l'utilisation d'un seul indicateur peut suffire." Les premiers cours devraient, sous toute réserve, débuter en juin.

Claire Branchereau http://www.actuel-ce.fr/ (Lire l’article Original)