Compte pénibilité : les grandes lignes de la mise en œuvre

Posté le 27 juin 2014 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Les décrets tant attendus concernant la mise en place effective du compte personnel de prévention de la pénibilité paraîtront "courant juillet". Mais hier, dans une communication commune, les ministres du Travail et des Affaires sociales ont dévoilé les grandes lignes des modalités qu'ils prévoient de retenir. Les seuils d'exposition ne figurent pas dans le document.

Le dispositif du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est "conçu pour éviter toute approche détaillée où l'exposition de chaque salarié serait examinée en continu". L'exposition sera "appréciée au regard des conditions habituelles de travail des salariés, en moyenne sur une année", à partir d'une "démarche collective", exposent les ministères du Travail et des Affaires sociales, qui ont présenté hier – avant une parution des décrets prévue "courant juillet" (voir encadré) – les grandes lignes des modalités retenues par le gouvernement pour la mise en place du C3P, prévue au 1er janvier 2015. À partir des données collectives qui figurent dans le document unique d'évaluation des risques professionnels, l'employeur devra identifier les types de postes ou les situations de travail susceptibles d'être exposés à un des dix facteurs de pénibilité, puis il devra faire le lien avec les salariés concernés.

Toujours pas les seuils d'exposition

Les seuils d'exposition, principal objet de la négociation entre les partenaires sociaux et le gouvernement – et de la concertation menée par Michel de Virville qui a rendu ses recommandations officielles début juin (voir notre article) – ne figurent pas dans le document présenté hier par les ministères (1). Est simplement validé le principe général qui prévoit que le seuil d'exposition croise une intensité (mesurée en décibels pour le bruit, en kilogrammes pour les manutentions manuelles, etc) et une temporalité (durée ou fréquence). Et ces seuils seront calculés après la prise en compte des moyens de protection collectifs ou individuels prévus par l'employeur (système d'aspiration d'air pour les agents chimiques dangereux, engins de levage mécanique, appareils de protection auditive, etc.). "L'investissement de départ, qui consiste à évaluer l'exposition des postes ou des situations de travail, répond à l'intérêt et à l'obligation de l'employeur en termes de prévention globale des risques", rappellent les ministères. "Ensuite, l'employeur n'a qu'à l'actualiser d'une année sur l'autre, notamment dans le cadre de l'actualisation de son document unique."

Décret "courant juillet", après la conférence sociale

Les décrets concernant le C3P paraîtront au Journal officiel "courant juillet", répondait hier le ministère du Travail, suite à l'envoi de cette importante communication sur le fonctionnement du compte. Les décrets, écrits après la consultation menée par Michel de Virville, devraient coller à ses préconisations. Ils viennent d'être envoyés à toutes les instances – Coct (conseil d'orientation sur les conditions de travail), Cnam, etc. – devant rendre leur avis avant la parution officielle, qui n'interviendra qu'après la conférence sociale qui se tiendra les 7 et 8 juillet. "Le temps de consultation est une contrainte technique incompressible, même si les décrets définitifs pour le cabinet avaient été envoyés au lendemain de la remise des préconisations de Michel de Virville, ils ne seraient pas parus avant la conférence sociale", assure une source proche du ministère. Mais le calendrier incompressible fait bien les choses, pour des ministres qui craignent de voir la conférence sociale parasitée par les griefs de chacun – et notamment des employeurs – autour de la mise en place du C3P.

Cotisation de base à 0.01%, à partir de 2017

Ainsi que le recommande Michel de Virville, la gestion des fiches de prévention des expositions de chaque salarié bénéficiaire du compte sera dématérialisée et passera par l'outil de gestion de la paye. Pour l'employeur, les cotisations seront déclarées et payées annuellement, en fin d'année courante ou au premier mois de l'année suivante. Il y aura, comme le prévoit la loi, deux cotisations : la cotisation de base, pour toutes les entreprises, et la cotisation spécifique pour les entreprises ayant des salariés exposés. "La cotisation de base sera affectée d'un taux très bas, 0.01 % et activée à partir de 2017 seulement", expliquent les ministères. La cotisation spécifique, qui est doublée lorsque l'entreprise cumule plusieurs facteurs d'exposition, sera de 0.1 % les deux premières années, puis de 0.2 % à compter de 2017. Payable début 2016 pour l'année 2015, elle n'est due que pour les salariés pour lesquels le seuil annuel est dépassé, mais n'est pas soumise (contrairement à la cotisation de base) aux exonérations concernant les bas salaires.

Lien avec le compte personnel de formation

Nouveauté par rapport aux recommandations de Michel de Virville, l'exécutif envisage la possibilité de négocier l'utilisation des points de façon collective au sein de l'entreprise, notamment pour définir des "parcours type de reconversion des postes exposés vers des postes non exposés" ou sur la gestion des temps dans l'organisation du travail. Les points cumulés grâce au C3P peuvent être utilisés pour de la formation, mais on ne savait pas encore via quel dispositif : le document précise désormais que leur utilisation reposera sur le compte personnel de formation. L'obligation de négocier des accords sur la prise en compte de la pénibilité, issue de la loi de 2010, concernait jusqu'à présent les entreprises déclarant plus de 50% de salariés exposés. Elle concernera désormais les entreprises dont au moins 25 % des salariés sont exposés.

Utilisation statistique des données pour un bilan ?

La dernière recommandation de Michel de Virville était d'utiliser les relevés d'expositions adressés à la Cnav pour avoir des données statistiques et faire rapidement un premier bilan de l'application du C3P, dès 2016. Bilan qui serait adressé aux partenaires sociaux, qui insistaient dessus pour que le C3P ne soit pas qu'une question de "gestion de points". Pour l'instant, ce bilan ne figure pas dans les précisions apportées hier par le gouvernement ; il faudra, sur ce point également, attendre la parution des décrets.

(1) Si ce n'est dans une infographie et via des exemples, mais ils restent imprécis et ne sont toujours pas listés de façon complète.

Documents joints : Présentation du compte personnel de prévention de la pénibilité

Source : Par Elodie Touret (actuel-hse.fr)

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