Compte de prévention de la pénibilité : son fonctionnement en 2016

Posté le 22 juin 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

 

Une instruction interministérielle du 20 juin 2016 détaille la mise en place et le fonctionnement du compte personnel de prévention de la pénibilité cette année. Elle sera complétée par une instruction précisant les modalités d'acquisition et d'utilisation des points par les salariés.

Alors que les six facteurs restant doivent entrer en vigueur le 1er juillet 2016, et alors que le patronat réclamait un moratoire sur leur mise en place, une instruction interministérielle du 30 mai 2016 publiée hier détaille l'application des dispositions applicable pour l'année 2015, les mesures transitoires pour l'année 2016 et les dispositions applicables à long terme, à travers 8 fiches techniques. Elle se substitue à l'instruction du 13 mars 2015, et sera complétée par une instruction précisant les modalités d'acquisition et d'utilisation des points par les salariés.

Salariés concernés par le compte de prévention de la pénibilité

Peuvent acquérir des droits au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité :

  • tous les salariés des employeurs de droit privé, dès lors que la durée de leur contrat est supérieure à un mois ;

  • le personnel des entreprises publiques travaillant dans des conditions de droit privé ;

  • les salariés titulaires d'un contrat de travail de type particulier comme les apprentis ou les titulaires d'un contrat de professionnalisation.

En revanche, ne sont pas éligibles au compte :

  • les salariés bénéficiant d'un contrat d'une durée inférieure à un mois ;

  • les salariés affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité ;

  • les salariés des particuliers employeurs ;

  • les travailleurs détachés en France.

La circulaire rappelle que pour les salariés éligibles au compte de prévention de la pénibilité, il n'est plus nécessaire de faire de fiche pénibilité.

En revanche, certaines catégories de travailleurs continuent à faire l'objet d'une fiche individuelle de suivi lorsqu'ils sont exposés à un ou plusieurs facteurs de risques au-delà des seuils (fiche technique n° 2 de la circulaire). Il s'agit :

  • des travailleurs détachés en France ;

  • des agents des trois fonction publiques (d'Etat, territoriale et hospitalière), ainsi que les travailleurs affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité, visés par le décret du 24 décembre 2014, à l'exception des salariés affiliés au régime spécial des industries électriques et gazières.

Facteurs de risques professionnels pris en compte au titre de la pénibilité

Depuis le 1er janvier 2015 seuls 4 facteurs sont pris en compte :

  1. le travail de nuit ;

  2. le travail en équipes successives alternantes ;

  3. le travail répétitif;

  4. les activités exercées en milieu hyperbare.

A compter du 1er juillet prochain, six autres facteurs seront également pris en compte :

  1. les postures pénibles ;

  2. le bruit ;

  3. les agents chimiques dangereux ;

  4. les vibrations mécaniques ;

  5. les températures extrêmes ;

  6. les manutentions manuelles de charges.

► Les seuils d'exposition applicables sont détaillées dans la fiche 3 de la circulaire.

Appréciation de l'exposition à la pénibilité

La circulaire distingue trois cas de figure :

  • s'il n'existe pas d'accord collectif de branche étendu ou de référentiel de branche homologué dans la branche de l'employeur :

L'employeur évalue l'exposition de ses salariés au-delà des seuils, "au regard des conditions habituelles de travail caractérisant le poste occupé, telles qu'elles se révèlent être en moyenne au cours de l'année".

Si un salarié est affecté à plusieurs postes au cours de l'année, la circulaire précise que c'set bien "l'ensemble des expositions subies par le travailleur sur l'ensemble de ces postes que l'employeur prend en compte pour déterminer son exposition moyenne annuelle".

L'appréciation de la pénibilité par l'employeur "tient compte des effets et performances attendus en terme de réduction du risque ou de la nuisance des mesures de protection collective et individuelles, notamment tels qu'identifiés par le fabricant". Ainsi, si les salariés sont équipés de protection individuelle pour réduire le niveau d'exposition au bruit par exemple, "l'indice de réduction du bruit annoncé par le fabriquant constitue une référence, sachant qu'il est souhaitable de pondérer cet indice au regard des conditions réelles d'utilisation".

  • s'il existe un référentiel de branche homologué dans la branche de l'employeur :

L'employeur peut utiliser la caractérisation des postes, métiers ou situation de travail exposés à la pénibilité au-delà des seuils déterminé par le référentiel de branche homologué, ou choisir d'utiliser son propre dispositif d'évaluation des risques et d'identification des salariés exposés, après la prise en compte des mesures de protection individuelle et collective.

  • s'il existe un accord collectif de branche étendu en faveur de la prévention de la pénibilité :

L'employeur doit utiliser la caractérisation des postes exposés par l'accord de branche. Cependant, si antérieurement à la conclusion de l'accord de branche, l'employeur a mis en place son propre dispositif, il peut continuer à se fonder sur celui-ci pour ses déclarations ultérieures, dès lors qu'il n'est pas contradictoire avec celui de l'accord de branche.

Cas particuliers d'appréciation de l'exposition à la pénibilité

► Pour les salariés présents dans l'entreprise pendant une durée inférieure à un an, l'employeur évalue l'exposition aux facteurs de pénibilité au regard des conditions habituelles de travail appréciées en moyenne sur l'année, ou en utilisant, l'accord de branche ou le référentiel professionnel.

La circulaire précise qu'il importe cependant de distinguer :

  • les salariés titulaires d'un contrat de moins d'un an affectés à un poste permanent de l'entreprise pour lesquels l'appréciation en moyenne sur 12 mois est possible et constitue la base de l'évaluation ;

  • les salariés détachés à des postes n'ayant pas un caractère permanent (travailleurs saisonniers ou travailleurs recrutés pour faire face à un besoin présentant un caractère exceptionnel au regard de l'activité de l'entreprise) "pour lesquels l'employeur apprécie l'exposition en extrapolant les conditions des pénibilité constatées au cours du contrat sur une période de 12 mois, et en les rapportant aux seuils annuels.

► Pour les intérimaires, c'est l'entreprise de travail temporaire qui déclare l'exposition des salariés dont elle est l'employeur. Cependant, cette déclaration est effectuée sur la base des informations transmises par l'entreprise utilisatrice qui indique à quels facteurs de risques l'intérimaire est exposé.

► Les périodes d'absence des salariés sont prises en compte pour apprécier l'exposition à la pénibilité, dès lors qu'elles sont susceptibles de la remettre en compte. "Il s'agit donc de périodes d'absences longues (congé pour longue maladie, congé individuel de formation, congé sabbatique...)", explique la circulaire.

Nombre de points acquis par le salarié

La circulaire rappelle que les salariés acquièrent par an :

  • 4 points s'ils sont exposés à un facteur de risque professionnel ;

  • 8 points s'ils sont exposés à plusieurs facteurs de risques professionnels.

Les salariés dont le contrat de travail de plus d'un mois débute ou s'achève au cours de l'année civile, chaque période d'exposition de 3 mois donnera lieu à l'attribution d'un point en cas d'exposition à un facteur de risque, et de 2 points en cas d'exposition à plusieurs facteurs.

Le nombre de points est multiplié par 2 pour les salariés nés avant le 1er juillet 1956.

A titre exceptionnel cette année, le nombre de points acquis par les salariés au titre des 6 facteurs dont l'entrée en vigueur a été décalée du 1er janvier au 1er juillet 2016 est doublé.

Contestation de l'exposition aux facteurs de risques professionnels par le salarié

La circulaire détaille également les modalités de contestation par le salarié de la déclaration de son employeur, dont il est informé par l'attestation annuelle qu'il reçoit.

Si le salarié est en désaccord avec son employeur, il peut en premier lieu lui demander des explications pour éviter un processus de réclamation. L'employeur peut modifier sa déclaration dans un délai de 3 ans si celle-ci est en faveur du salarié, ou jusqu'au 5 ou 15 avril de l'année qui suit celle au titre de laquelle la déclaration a été effectuée dans le cas contraire.

A défaut d'accord amiable, le salarié adresse une réclamation à son employeur. Dès réception de la réclamation, l'employeur indique au salarié qu'à défaut de réponse de sa part dans un délai de 2 mois, celle-ci est réputée rejetée.

Si la réponse ne satisfait pas le salarié, il peut alors porter sa réclamation devant la caisse compétente (Carsat, caisse générale de la sécurité sociale ou Cnav Ile-de-France), dans un délai de 2 mois.

A défaut de réponse dans un délai de 6 mois, ou 9 mois lorsque la caisse estime nécessaire de procéder à un contrôle sur place de l'effectivité ou de l'ampleur de l'exposition, la réclamation du salarié est réputée rejetée. Il peut alors saisir le Tass dans un délai de 2 mois.

Pour effectuer les contrôles sur pièces et après avoir informé l'employeur, un conseiller enquêteur pénibilité, agréé et assermenté, pourra intervenir.

Eleonore Barriot http://www.actuel-ce.fr/ (lire l’article original)