Comment aider les managers face aux risques psychosociaux ?

Posté le 5 novembre 2014 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Depuis 2004, l’organisme de formations Comundi réunit chaque année plus de 130 acteurs de la santé au travail, de la prévention, de direction et des ressources humaines lors d’un congrès qui fêtera cette année sa 11e édition : la Semaine de la Santé au Travail, du 8 au 12 décembre 2014, à Paris.

Comundi a interviewé l’un des experts qui intervient dans le cadre de cet évènement au sujet de l’accompagnement des managers face aux risques psychosociaux : Annie Debard, Psychologue du Travail et des Organisations, Cabinet Côté Travail.

COMUNDI - Selon vous, les managers ont-ils conscience du rôle qu'ils ont à jouer dans la prévention des risques psychosociaux de leur(s) équipe(s) ?

Annie Debard - Malheureusement, je constate sur le terrain que la plupart en ont conscience en situation de crise, crise que nous pourrions appeler « crise psychosociale ». Celle-ci peut se manifester de différentes manières : un salarié compétent qui perd tous ses moyens (pleurs, burn-out, tentative de suicide...), des conflits graves (phénomènes de clans dans l'équipe, accusation de harcèlement, impossibilité pour certaines personnes de travailler ensemble...), etc.

Or, les managers ont un rôle essentiel à jouer dans la prévention et la gestion des risques psychosociaux. Les managers de proximité sont :

  • des acteurs ressources en termes de soutien vis-à-vis de leurs équipes afin de maintenir la motivation, les transitions lors de changements organisationnels ;
  • des acteurs « sentinelles »: ils sont garants d'un «bien vivre ensemble» en étant attentif au respect, aux règles non discriminatoires ;
  • des acteurs d'alerte lors de situations graves (notamment lors de conflits ou de tensions organisationnelles lors de changements) afin de prévenir leur hiérarchie de risques encourus en termes de prévention de la santé des salariés (obligation de l'employeur).

Pour qu'ils aient conscience de ce rôle à jouer comme acteur majeur de la santé au travail, il est important de les soutenir au sein des organisations. Tout d'abord, en les formant sur cette notion de risque qui actuellement limite, plus qu'elle ne soutient, leur posture managériale. Les récentes recherches montrent également que ces formations doivent être complétées par des analyses de pratiques managériales qui, d'une part, permettent de contextualiser ce qui a été discuté en formation, et d'autre part, permet de constituer un groupe de pairs soutenant dans l'entreprise.

Des dispositifs sont également nécessaires au niveau institutionnel. Ils permettent un message fort de la part de la haute hiérarchie en termes d'engagement sur la prévention en santé au travail. Par exemple : un dispositif de régulation des tensions relationnelles graves, un dispositif d'accompagnement des salariés en difficulté... avec une articulation entre managers, salariés et professionnels de la santé au travail.

COMUNDI - A quelles difficultés principales sont-ils confrontés face aux risques psychosociaux ?

Annie Debard - Avoir une équipe en difficulté met également en difficulté un manager. Et je trouve qu'on ne prend pas assez en compte cette réalité. Le manque de motivation, la non-communication au sein d'une équipe, les dysfonctionnements organisationnels que provoquent les risques psychosociaux fragilisent durablement la posture managériale. Les managers peuvent alors eux-mêmes adopter des stratégies de défense qui vont être contre-productives vis-à-vis de leurs équipes et de l'atteinte des objectifs de l'entreprise : attitudes d'évitement, d'agressivité, de cynisme parfois.

COMUNDI - Si vous aviez 3 conseils à donner à des professionnels RH et acteurs de la santé au travail pour accompagner les managers et leur apporter du soutien face à ces problématiques... Lesquels seraient-ils ?

Annie Debard - Mon premier conseil serait de former les managers et de veiller à ce que cette formation ne soit pas culpabilisante. Elle doit leur permettre d'acquérir des grilles de lecture des processus, derrière des mots forts comme le harcèlement, l'épuisement professionnel, le stress... afin de repérer les niveaux de gravité et les actions adaptées à mettre en place en fonction des situations et de leur gravité. Ces actions de formation sur les risques psychosociaux, la qualité de vie et la santé au travail doivent être pensées dans la durée pour permettre aux managers d'acquérir de nouvelles compétences attendues aujourd'hui face à ces nouvelles problématiques : l'évolution vers un management par la discussion par exemple (Detchessahar, 2013).
Mon deuxième conseil serait de leur permettre d'avoir leurs propres espaces de discussion, entre pairs. La technique du co-développement permet de confronter les points de vue mais donne également des outils d'entraide qui peuvent être reproduits au sein des équipes.

Enfin, il me semble essentiel de proposer des espaces de discussion institutionnels. Pour cela, des dispositifs d'accompagnement à destination des professionnels en difficulté, et/ou des managers lors de conflits graves semblent indispensables. Elaborer collectivement ces dispositifs participe à la mise en confiance entre les différents acteurs de l'entreprise concernés par la prévention en santé au travail (et donc la prévention des risques psychosociaux).

A travers ces trois conseils, nous cherchons à dépasser la notion de risques psychosociaux pour construire, au sein de l'entreprise, des Ressources Psychologiques et Sociales (Yves Clot, 2010).

COMUNDI - Les managers sont eux aussi susceptibles de ressentir une souffrance au travail. Pouvez-vous nous donner quelques pistes pour prévenir leurs risques psychosociaux ?

Annie Debard - Pour aider les managers à construire leurs propre Ressources Psychologiques et Sociales, des actions peuvent être prévues dans les 4 dimensions du métier (Yves Clot, 2008) :

  • La Dimension Personnelle: l'acquisition de nouvelles compétences (grilles de lecture des processus de RPS par exemple) et d'aptitudes personnelles (intelligence relationnelle), des capacités réflexives sur leurs propres pratiques
  • La Dimension Impersonnelle: connaître clairement ce que l'on attend d'eux dans leur entreprise, revoir leur activité afin de leur redonner de la place au sein de leurs équipes...
  • La Dimension Interpersonnelle : leur permettre d'avoir eux-mêmes leurs espaces de discussion entre pairs ou avec leur hiérarchie dans la mise en discussion de décisions organisationnelles...
  • La Dimension Transpersonnelle : avoir des espaces de discussion sur les valeurs de l'entreprise, le sens de l'action...

Venez rencontrer Annie Debard et échanger avec vos pairs en participant à l’une des 28 formations proposées dans le cadre de la Semaine de la Santé au Travail, du 8 au 12 décembre 2014 à Paris !

Consultez le programme de l’évènement et réservez votre place en cliquant ici.

Propos recueillis par Lorraine Schérer, Responsable des formations Santé au travail chez Comundi.

Source : (comundi.fr)

Espace CHSCT, plateforme N°1 d'information CHSCT, édité par son partenaire Travail & Facteur Humain, cabinet spécialisé en expertise CHSCT et formation CHSCT