Cigarette électronique : pour l'heure, ça vapote au taf

Posté le 7 octobre 2013 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctDepuis plusieurs mois, c'est un geste caractéristique qui a fait son retour dans des bureaux. Porter la cigarette à la bouche, aspirer, souffler. Mais cette cigarette-là est électronique et n'émet pas de fumée, mais de la vapeur. L'odeur du tabac a été supprimée ou remplacée par des parfums comme la menthe, la fraise, la pomme...

Car s'il est interdit de fumer dans tout "lieu à usage collectif" – ce qui inclut le lieu de travail – depuis la loi Evin du 10 janvier 1991, le texte ne dit rien du "vapotage" (nom donné à l'utilisation de la cigarette électronique) et reste à l'appréciation des employeurs. Bon nombre d'entreprises autorisent ainsi la cigarette électronique. D'autant plus que la nocivité de la vapeur rejetée, souvent questionnée, n'est pas encore prouvée.

"UN GAIN DE PRODUCTIVITÉ"

En pratique, c'est une règle de courtoisie qui s'applique. "Quand j'ai ramené ma première e-clope il y a quatorze mois, je suis allé voir mon chef, homme très humain et très ouvert, pour lui expliquer ma démarche", raconte Pascal B., un "vapoteur" de 48 ans qui a répondu à l'appel à témoignages sur Le Monde.fr.

"Sa première réaction a été de me dire qu'il préférait ça à me voir descendre dans la rue quatre fois par jour, pour une question de productivité. Nous nous sommes mis d'accord sur une seule et unique condition : que cela ne dérange personne. Avec l'expérience, j'ai vite compris qu'il y avait e-liquide et e-liquide. Certains ont un fumet très appuyé qui peut déranger. Quand j'inaugure un nouveau parfum, je préviens. Si l'odeur dérange, je bannis cette saveur du bureau. Au final, tout le monde y trouve son compte, je travaille mieux, tout en ne dérangeant personne."
Voir l'infographie : "La cigarette électronique, gadget fumeux ?"

Alain M., 58 ans, travaille "au contact d'étudiants et d'enseignants" dans la bibliothèque d'une université toulousaine, dont la direction n'a émis "aucune interdiction à l'encontre de la cigarette électronique". "Je vapote sur mon lieu de travail depuis décembre 2012, précise-t-il. Mes collègues, tous non fumeurs, n'ont senti aucune odeur pouvant provenir de la cigarette électronique [malgré] trois parfums différents utilisés afin de les tester."

Les vapoteurs mettent en avant le "gain de productivité" que la cigarette électronique représente, par rapport à la cigarette habituelle. "Les employés ne perdent plus de temps à descendre (attendre l'ascenseur, descendre les dix étages, croiser des collègues, discuter, etc.), argumente Arnaud Dumas de Rauly... vapoteur, et cogérant d'une société fabriquant des "e-liquides". Au final, c'est quasiment une heure de gagnée dans la journée. Enfin, il n'y a plus d'odeur de tabac à l'entrée des bâtiments et plus de mégots qui traînent devant, donnant une image plus positive à notre société."

"ÇA NE VIENDRAIT À PERSONNE DE VAPOTER DEDANS"

Porter la cigarette à la bouche, aspirer, souffler : c'est un geste caractéristique qui a fait son retour dans les bureaux.
Dans certains lieux de travail, les utilisateurs de cigarettes électroniques ont spontanément continué à sortir pour "vapoter". "En fait, tout le monde a tellement pris l'habitude de sortir fumer que je pense que ça ne viendrait à l'idée de personne de vapoter dedans, affirme Jeanne M.. L'hiver approche, peut-être que les comportements vont changer ?"

Les relations entre fumeurs et non-fumeurs ont incontestablement changé avec la cigarette électronique. "Je partage un bureau avec une collègue non-fumeuse et j'avais pris l'habitude de sortir pour vapoter afin de ne pas la déranger, raconte Alexis F.. Un jour, elle m'a dit que ce n'était pas la peine, que ça ne la dérangeait pas du tout et même, qu'au contraire, elle trouvait que ça parfumait un peu le bureau."

L'E-CIGARETTE, "SUSCEPTIBLE D'ÊTRE PRÉJUDICIABLE À LA SANTÉ"

Mais si la loi est actuellement floue et la cigarette électronique tolérée dans certains lieux de travail, les employeurs peuvent interdire l'"e-cigarette" dans leurs locaux par une modification du règlement intérieur. C'est ce qu'a recommandé l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) en mars, en raison de l'"obligation de sécurité de résultat" de l'employeur et ce, afin "de protéger tous les salariés d'une éventuelle exposition 'passive' à [la cigarette électronique] qui, en raison des impuretés qu'elle contient et des composés volatils et particules libérés dans l'atmosphère, est susceptible d'être préjudiciable à la santé".

Certaines entreprises ont ainsi pris la décision d'interdire le "vapotage" dans leurs locaux, comme cette enseigne de matériaux de construction où travaille Jérôme, 38 ans, et où "l'usage de la cigarette électronique sera interdit dans les lieux fermés (bureaux, magasins) et dans les véhicules de la société". Mais, précise-t-il, "ce règlement n'est pas encore applicable, puisque pas encore soumis et visé par l'inspection du travail (comme le prévoit la loi)". Dans l'entreprise de Norbert B., "l'e-cigarette est considerée au même titre que la cigarette conventionnelle, donc interdite, bien que son usage en remplacement de la cigarette conventionnelle soit soutenu via une note d'information dédiée". "Je suis fumeur, récemment converti à 100 % au tabac électronique et sans trop de difficulté, poursuit-il. Mon seul problème avec cette situation, c'est de me retrouver au milieu de fumeurs de cigarettes lors des pauses vapotage, ce qui représente un risque de céder à la tentation d'un retour au bon vieux temps..."

Ancienne fumeuse, Isabelle P., 53 ans, tient "à l'absence de toute cigarette sur [son] lieu de travail", un établissement d'éducation spécialisée. "Fumer du tabac ou vapoter, c'est fumer !", assure-t-elle. Pour des non-fumeurs et ex-fumeurs comme moi, ce qui se dégage du vapotage est gênant."

LES VAPOTEURS APPELLENT À "NE PAS DÉCOURAGER CETTE NOUVELLE PRATIQUE"

Tous les vapoteurs pourraient bientôt être dans la même situation. La ministre de la santé, Marisol Touraine, s'est dite favorable à l'interdiction de "vapoter" dans les lieux publics et a demandé fin mai au Conseil d'Etat de définir les modalités de la mise en œuvre de cette décision. Une telle interdiction susciterait l'ire des "vapoteurs". "L'absence de tout effet négatif pour les autres (odeur, tabagisme passif, cendres, mégots, etc.), en plus de la formidable opportunité de sortir les fumeurs de ce fléau qu'est le tabagisme, devraient pousser les pouvoirs publics et les entreprises privées à ne pas décourager cette nouvelle pratique", s'insurge Boris, consultant de 30 ans dans les Hauts-de-Seine. "Interdire légalement la vape dans les entreprises serait une aberration, tant un accord gagnant-gagnant au cas par cas peut être négocié, en appliquant un simple principe de bon sens et de respect", prône quant à lui Christian B., un gestionnaire informatique et réseaux de 54 ans.

L'auteur de la fameuse loi de 1991 interdisant le tabac dans tout "lieu à usage collectif", Claude Evin, se prononce pour l'interdiction de "vapoter" sur le lieu de travail. "Ce serait une question de cohérence du message, assure au Monde.fr l'actuel président de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France et auteur de la loi de 1991. Si vous arrêtez de fumer du goudron, ce n'est pas pour vous retrouver à côté de quelqu'un qui 'tire' sur sa cigarette électronique. Il ne faut pas l'autoriser dans les lieux accueillant du public. Mais si l'absence de nocivité est prouvée scientifiquement et que les études montrent que la cigarette électronique réduit l'addiction au tabac, il faut en faire la promotion."

Source (lemonde.fr)

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