"Chute du nombre de représentants du personnel : les bons repères"

Posté le 30 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Comme il fallait s’y attendre, le nombre de titulaires du conseil social et économique (CSE), dévoilé par le projet de décret , est en très forte régression. Selon la taille de l’entreprise, cette baisse se situe dans une fourchette allant de -50,0 % à -27,3 % comparativement à des instances entièrement séparées.

Comparaison du nombre de titulaires entre le CSE et les instances séparées

Encore faut-il noter que cette arithmétique est trompeuse. Comme chacun le sait, un suppléant ne pourra assister aux réunions du CSE qu’en l’absence du titulaire, ce qui réduit la délégation salariale de moitié par rapport aux réunions du CE et prive les suppléants d’une participation active à la réflexion collective : ils seront inévitablement déconnectés des débats en cours.

Par ailleurs, la notion d’établissement distinct  pèsera lourdement sur le nombre de titulaires :

  • Les ordonnances retiennent l’établissement « au sens du CE », basé sur l’autonomie du chef d’établissement. Ce critère est beaucoup plus restrictif que ceux qui s’appliquent aux CHSCT et aux DP. Concrètement, le nombre d’établissements dont disposent ces deux instances est, sauf exception, largement plus important qu’il ne l’est pour le CE;
  • Le nouvel article L 2313-4 stipule qu’à défaut d’un accord avec les DS (ou avec le CSE), l’employeur décide seul du nombre et du périmètre des établissements distincts;
  • Rappelons que le nombre d’élus tend à plafonner au fur et à mesure que l’effectif s’accroît. L’employeur a donc intérêt à limiter le nombre d’établissements pour que l’effectif de référence soit le plus élevé possible.

Prenons des exemples pour illustrer notre propos. Premier exemple : une entreprise de 200 salariés n’a que 5 titulaires au CE si elle est constituée d’un seul établissement. En revanche, si deux établissements sont reconnus, l’un de 120 salariés, l’autre de 80 salariés, le nombre total de titulaires est porté à 9 (5 + 4).

Deuxième exemple : il n’est pas rare qu’une entreprise dotée d’un CE unique dispose de 2 CHSCT et de 5 établissements DP. Admettons que les effectifs totalisent 350 salariés, le périmètre des CHSCT couvrant 140 et 210 salariés et les établissements DP respectivement 70 salariés chacun. Le nombre de représentants du personnel s’élève globalement à 24, soit 7 pour le CE, 3 pour le premier CHSCT, 4 pour le deuxième et 10 pour l’ensemble des DP (2 délégués par établissement). La création des CSE ramène le total des élus à 11... chiffre sans commune mesure avec celui qui prévalait antérieurement.

Compte tenu de ces éléments, c’est avec la plus grande prudence qu’il convient d’apprécier l’augmentation apparente du volume global d'heures de délégation annoncé par le projet de décret du 23 octobre. Dans les entreprises disposant d'établissements distincts CHSCT et DP, il y a fort à parier que ce volume subira un recul significatif, en lien avec la disparition des élus issus de telles entités.

Au demeurant, il reste exact que la réforme gouvernementale privilégie les heures de délégation au détriment du nombre d’élus, mais ce n’est pas un hasard : le Medef milite depuis longtemps pour une « professionnalisation » de la fonction de représentant du personnel. Il souhaite une concentration des moyens dévolus aux IRP sur quelques individus qui pourraient dès lors se transformer en « spécialistes ». Un tel objectif aboutirait à une centralisation de la représentation du personnel, incompatible avec le lien de proximité qui lui est nécessaire. Le maillage de terrain est crucial et, inéluctablement, il est étroitement tributaire du nombre d’élus.

En dernier lieu, avant les ordonnances les acteurs sociaux disposaient de divers moyens pour élargir leur nombre. Ces moyens leur sont désormais interdits :

  • Ils avaient la possibilité de faire élire au CHSCT des salariés non candidats aux élections professionnelles : cette faculté disparaît en même temps que cette instance;
  • Ils pouvaient associer des salariés aux travaux du CE, par le biais des commissions : la suppression des crédits d’heures qui leur étaient dédiés rendra cette démarche pour le moins difficile.

Ces points ne sont pas anodins car ils touchent à la conception même du système de représentation du personnel : repli ou ouverture ? Les membres du CSE devront développer de nouvelles pratiques et faire preuve d’inventivité pour répondre positivement à cette question.


 Actuel CE (lire l'article original)