Addiction au travail : grandes responsabilités contre faibles moyens

Posté le 13 décembre 2013 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Le député UMP, Francis Vercamer, alerte sur la situation des entreprises face au addictions au travail. Tenues d'une obligation de résultat qui les place en situation de responsabilité civile, voire pénale, les entreprises manquent de moyens pour faire réellement face à de telles situations.
Il est impératif de "sortir de l'irresponsabilité collective entourant aujourd'hui le problèmes des addictions au travail", alerte Francis Vercamer, député UMP, dans un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le PLF 2014. Selon lui, le sujet est "encore un tabou pour les entreprises".



Peu de moyens entre les mains des employeurs

Le député pointe la situation paradoxale dans laquelle se trouvent les entreprises. Alors que leur responsabilité civile, voire pénale, peut être engagée, les employeurs sont fort démunis pour y faire face. L'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur eux les contraint à être en mesure de prévenir les risques liés aux conduites addictives. Toutefois, souligne le député, leurs moyens sont limités et il serait bon de faire évoluer la législation sur certains points.

Le cadre limité du règlement intérieur

Certes, l'employeur peut prévoir un certain nombre d'interdictions dans le règlement intérieur mais son contenu reste limité par le code du travail. Il peut ainsi y rappeler qu'aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail et qu'il est interdit de laisser entrer des personnes en état d'ivresse, mais le Conseil d'Etat refuse qu'il interdise totalement l'alcool dans son entreprise.

La question sensible du dépistage au travail

Les tests de dépistages restent aujourd'hui sans doute l'un des meilleurs outils de prévention (ou en cas de doute sur l'état d'un salarié) mais, là encore, tout n'est pas permis. En matière d'alcoolémie, l'employeur peut procéder à des contrôles mais il doit respecter un certain nombre de conditions : le test doit être prévu par le règlement intérieur, la contestation des résultats doit être possible et définie, il doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et l'état d'ébriété du salarié doit présenter un danger pour les personnes ou les biens. S'agissant des tests de consommation de drogue, le député déplore le "flou juridique" qui les entoure. Comme il s'agit d'un acte médical – puisqu'il suppose le prélèvement d'un échantillon biologique (salive, urine, sang, etc) – il ne peut être réalisé que par un médecin du travail et les résultats obtenus sont couverts par le secret médical. Selon le député, le dépistage doit a minima obéir aux conditions de ceux des contrôles d'alcoolémie. Dans un avis de 2011, le comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait estimé que de tels dépistages n'étaient justifiés que pour des postes ou fonctions de sûreté et de sécurité.

Recommandation

Francis Vercamer recommande d'obliger les entreprises à recenser les postes de sûreté et de sécurité en imposant que leur liste figure au règlement intérieur. Ce recensement pourrait être fait en concertation avec les partenaire sociaux et les services de santé au travail. Il préconise aussi de créer une forme de droit de retrait pour l'employeur qui lui permettrait de prendre une mesure conservatoire d'urgence et de retirer le salarié de son poste.

Francis Vercamer déplore également que l'employeur ne puisse pas imposer de réaliser un test de dépistage "car le médecin du travail jouit d'une indépendance dans la prescription des examens qui lui apparaissent nécessaires, dont les résultats demeurent couverts par le secret médical".

Partir du document unique d'évaluation

Il ne faut pas oublier le document unique d'évaluation qui "permet aussi à l'employeur de déployer une politique de prévention active des risques professionnels dans l'entreprise en associant l'ensemble des acteurs".

Recommandation

Sur ce point Francis Vercamer suggère de développer les initiatives et d'encourager la diffusion de ce type de démarche au sein des TPE-PME où l'employeur est souvent encore plus démuni.

Renforcer le rôle des représentants du personnel

Le député pointe la faible implication des représentants du personnel sur ce dossier. "Le positionnement délicat des représentants du personnel sur ces thématiques entre la prévention des risques professionnels, le respect des libertés individuelles des salariés, la confidentialité de l'état de santé et le risque de sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement". Même le CHSCT, principal concerné, n'est pas si armé que cela pour traiter le problème des addictions au travail. S'il est consulté lorsque l'employeur inscrit dans le règlement intérieur des mesures restreignant la consommation de produits psychoactifs et peut faire appel à un expert lorsque l'employeur projette de mettre en place un dispositif de contrôle de dépistage, il n'a pas d'autres moyens d'action. Quant aux partenaires sociaux, le parlementaire déplorent qu'ils n'aient pas profité de l'accord du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail pour s'emparer du sujet.

Recommandation

Le député propose que ce sujet entre dans le cadre du dialogue social afin de favoriser "une approche encadrée das le cadre d'objectifs rapprochés".

Un plan national plus ambitieux

Dernier grief, à l'égard des pouvoirs publics cette fois. "La question des addictions pendant le travail a, jusqu'à ce jour, été peu prise en compte dans les différents dispositifs de prévention et lutte contre les consommations problématiques d'alcool et de drogue mis en œuvre par les pouvoirs publics". Il en veut pour preuve le PST (plan santé au travail) 2010-2014 qui n'intègre pas la lutte contre les addictions parmi ses axes prioritaires. Une note d'optimisme toutefois avec le plan de lutte contre les drogues et les conduites addictives pour la période 2013-2017, qui veut faire du monde du travail un lieu de prévention et de repérage pour les addictions.

Documents joints : Avis de Francis Vercamer

 

 

Source (http://www.actuel-hse.fr)

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