Accord CSE : trois clauses à éviter sur la commission SSCT

Posté le 8 octobre 2019 | Dernière mise à jour le 9 novembre 2020

L'institution du comité social et économique peut être largement adaptée par accord collectif. Mais, et c'est concevable, une maîtrise imparfaite des nouvelles règles issues des ordonnances Travail peut amener syndicats et employeur à s'entendre sur des clauses non conformes au code du travail. Illustration, à travers trois accords CSE, de mesures à corriger sur la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT).

Depuis début 2018, nous scrutons avec attention la mise en place du comité social et économique (CSE) au sein des entreprises. Pendant cette période de transition vers la nouvelle instance unique, qui doit s'achever le 31 décembre 2019, nous vous présentons régulièrement le contenu d'accords conclus. Mais parmi les dizaines de textes relatifs à l'institution du CSE que nous avons lus, il apparaît aussi régulièrement des clauses non conformes aux dispositions légales, ou tout au moins dont la rédaction mériterait d'être précisée. Sélection de trois clauses issues d'accords CSE conclus cet été, non pas pour jeter l'opprobre sur les négociateurs, mais pour attirer votre attention sur le respect de certains principes (lire ici, ici, ou encore ici nos trois premiers articles d'analyse de clauses issues d'accords CSE, et ici notre article relatif à l'accord préélectoral).

Deux mois pour agir contre la clause illicite
S'il apparaît qu'une clause d'un accord d'entreprise est contraire aux dispositions d'ordre public, ou en retrait par rapport à la loi, une action en nullité peut être engagée devant le juge dans un délai de deux mois. Ce délai court à compter :

- de la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5 du code du travail pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;

- de la publication de l'accord dans la base de données nationale prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

1/ Des élus en minorité au sein de la CSSCT

Accord Eurostyle Systems du 20 août 2019

"Article 3 – La Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) du Comité Social Économique (CSE)
(...)

3.1 – Le nombre de membres de la Commission

La Commission CSSCT est composée de 12 membres dont :

- 4 désignés parmi les membres élus du CSE lors d’un vote de celui-ci (ces membres sont idéalement choisis pour représenter les différents services de l’entreprise) ;

5 désignés par la Direction, afin de conduire et de participer à cet objectif commun de veiller à la santé, à la sécurité de nos salariés et à améliorer les conditions de travail :

  • Un représentant de l’employeur, qui préside la Commission (le Directeur) ;
  • Le responsable des Ressources Humaines ;
  • L’infirmière d’entreprise ;
  • Le responsable HSE ;
  • L’animateur sécurité.

- 3 membres de droit :

  • le médecin du travail ;
  • l’inspecteur du travail ;
  • le responsable des agents de prévention CARSAT.

De plus, il est possible d’inviter, sur une problématique spécifique, tout salarié ou expert permettant d’apporter un éclairage sur une thématique".

 

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : l'article L. 2315-39 du code du travail, d'ordre public (auquel l'accord d'entreprise ne peut donc pas déroger), prévoit que la CSSCT "est présidée par l'employeur ou son représentant. (...) L'employeur peut se faire assister par des collaborateurs appartenant à l'entreprise et choisis en dehors du comitéEnsemble, ils ne peuvent pas être en nombre supérieur à celui des représentants du personnel titulaires". Prévoir que la CSSCT comprend 5 représentants de la direction et 4 membres élus est donc en opposition avec la loi.

En outre, seul l'employeur est membre de droit de la commission SSCT. Les collaborateurs, côté direction, dont la présence est autorisée au sein de la commission ne font qu'assister aux réunions. Ces derniers ne sont pas membres de l'instance.

2/ Une représentation syndicale au sein de la commission

Accord Verescence du 29 juillet 2019

"3.1 La Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail

(...)

3.1.2 Composition

La CSSCT de la société Verescence Orne est composée de :

  • 4 membres dont au moins un titulaire du CSE, désignés par ce dernier au cours des premières réunions suivant son élection. Il y a au moins un représentant du collège encadrement parmi les membres élus ;
  • Des délégués syndicaux ou représentants syndicaux de chaque organisation syndicale représentatives au sein de Verescence Orne ;
  • Des membres de droit tels que défini par le Code du travail ;
  • Ponctuellement d’experts et techniciens appartenant à l’entreprise pour une voix consultative ;
  • De maximum trois personnes compétentes dans les domaines de la santé, la sécurité et les conditions de travail pour accompagner l’employeur ;
  • De l’employeur ou de son représentant qui la préside.

L’appartenance à la CSSCT repose sur le volontariat. Les membres sont désignés par une délibération adoptée à la majorité par les membres du CSE, étant précisé que l’employeur ne prend pas part au vote".

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : la problématique est proche de celle rencontrée ci-dessus avec l'accord Eurostyle systems. Mais cette fois c'est la présence de mandatés syndicaux au sein de la commission qui pose problème. Côté salarié, l'article L. 2315-39 du code du travail dispose que la CSSCT "comprend au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévus à l'article L. 2314-11. Les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres, par une résolution adoptée selon les modalités définies à l'article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité". À notre sens, il n'est dès lors pas possible de désigner au sein de la commission SSCT des mandatés syndicaux qui ne seraient pas membres du CSE. Tout au plus, l'accord collectif pourrait prévoir une faculté pour les DS et RSS d'assister aux réunions.

 

3/ Une mission, qui relève de l'employeur, confiée à la CSSCT

Accord UES Europ Assistance du 8 août 2019

4.3. Attributions déléguées à la CSSCT

La CSSCT se voit confier, par délégation du CSE, les attributions du CSE relatives à la santé, la sécurité et aux conditions de travail suivantes :

1°) Prévention des risques professionnels et amélioration des conditions de travail

La CSSCT se voit confier, par délégation, les missions suivantes :

  • La mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER) ;
  • L’étude du rapport annuel faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail et le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail ;
  • Le suivi et la prévention des accidents de trajet, de travail et des maladies professionnelles ;
  • La prévention des situations de harcèlement, l’amélioration des conditions de travail et de la qualité de vie au travail, en dehors de tout projet présenté devant le CSE pouvant avoir une incidence sur ces volets : dans ce dernier cas, le sujet est abordé exclusivement devant le CSE.

Dans le cadre de cette mission, la CSSCT peut formuler et communiquer à l’employeur toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail des salariés.

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : en principe, c'est à l'employeur, et à lui seul, qu'il incombe d'élaborer et de mettre à jour le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUER). Juridiquement, le CSE n'apparaît pas compétent pour déléguer à la CSSCT cette tâche. Et ce, même si c'est l'employeur qui préside la commission SSCT (cette dernière peut en revanche aider à la mise à jour du DUER, sans en avoir la responsabilité).

Pour rappel, le document unique d'évaluation des risques est un document dans lequel l'employeur doit transcrire les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise. Cela reste un document essentiel pour l'activité du CSE.