Inaptitude : en cas de faute inexcusable, le licenciement est nécessairement injustifié

Posté le 15 mai 2018 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Quand bien même le licenciement est prononcé en raison d'une inaptitude constatée par le médecin du travail, si cette inaptitude résulte d'une faute inexcusable de l'employeur la rupture du contrat de travail est automatiquement dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Par deux arrêts du jeudi 3 mai et publiés sur son site Internet, la Cour de cassation clarifie utilement les conséquences juridiques de l'inaptitude professionnelle du salarié qui résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Quelle limite à la compétences des prud'hommes ?

Tout d'abord, la Haute Cour clarifie les compétences respectives des prud'hommes et du tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) en matière d'inaptitude professionnelle.
Dans la première affaire, un salarié victime d'un accident du travail est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Soutenant que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il saisit les prud'hommes d'une demande d'indemnisation liée à la rupture du contrat. Cette demande est rejetée par la cour d'appel de Rouen au motif qu'elle tend en réalité à la réparation du préjudice né de l'accident du travail et que ce point relève de la compétence du Tass.

Dans la seconde espèce, une salariée, également victime d'un accident du travail, demande elle aussi des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir que son inaptitude découle d'un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur. Cette fois, la cour d'appel d'Agen accepte de juger l'affaire et condamne effectivement l'entreprise.
Pour une même situation, ces deux cours d'appel ont donc retenu des solutions inverses. "Au regard de ces solutions contrastées, la chambre sociale a voulu définir précisément la compétence et l'office du juge prud'homal", explique la Cour. Il est ainsi énoncé la règle suivante :

  • relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) :l'indemnisation de dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
  • relève de la compétence exclusive des prud'hommes : l'appréciation du bien-fondé de la rupture du contrat de travail et l'allocation, le cas échéant, d'une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

"Ces décisions ne remettent cependant pas en cause les principes gouvernant la réparation des risques professionnels, précise la Cour dans un communiqué. A cet égard, la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent" (et ne relèvent dès lors pas de la compétence du juge prud'homal).

En cas de faute inexcusable, le licenciement ne peut pas être régulier

Deuxième règle énoncée par la Cour de cassation : est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée. Dans ce cas, le licenciement, même s'il est fondé sur la reconnaissance de l'inaptitude par le médecin du travail et l'incapacité de reclasser le salarié, n'en est pas moins causé initialement par une faute de l'employeur qui aurait dû préserver la santé de son salarié. "Si cette solution n'est pas nouvelle, elle est désormais affirmée avec netteté par la chambre sociale et doit être reliée au principe selon lequel il incombe aux juges du fond de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement", commentent les juges.

Actuel-CE (lire l'article original)