Les salariés Renault peineraient à suivre la cadence sur la chaîne de fabrication

Posté le 6 août 2013 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctPas de réveil à faire sonner. Et ce jusqu’au 3 septembre, date de reprise du boulot pour le personnel de l’usine Renault Douai. À en croire les syndicats SUD et CGT, et d’ouvriers souhaitant garder l’anonymat, il ne fait pas bon travailler sur (l’unique) ligne de production. Les opérateurs se plaignent des cadences. Et du stress et des pépins de santé qui vont de pair.

Avis d’éclaircie. En 2014, avec l’arrivée des remplaçantes de Laguna et d’Espace, Douai sera la seule usine du groupe Renault à produire cinq modèles sur une seule ligne (*). D’où l’espérance de voir repartir une production qui, l’an dernier, s’est effondrée à 139 000 exemplaires alors que l’usine avait atteint, de 2003 à 2005, au moment de l'engouement suscité par la sortie de Scénic II, des pointes records autour des 450 000 véhicules. D’ailleurs, dans un récent entretien à L’Usine Nouvelle, Jean-Philippe Daveau, chef de projet usine 15/40 (les modèles à venir), annonce à nouveau un objectif de 60 véhicules/heure en trois équipes.
Avis de tempête. « En fin de semaine, les gars sont morts. » Pascal Pottiez, secrétaire général SUD Renault Douai, intercède au nom des opérateurs sur chaîne qui « n’arrivent plus à sortir la tête de l’eau ». « Ils ont mis la barre trop haut », poursuit-il. David Dubois, son alter-ego à la CGT, confirme : « L’intégrité des gens est mis à mal. » L’un et l’autre évoquent des salariés à bout de nerfs, mis dans l’incapacité de s’absenter de la chaîne pour satisfaire un besoin naturel urgent (ils ont droit à cinq minutes de relâche au bout d’une heure et demi), de chefs d’équipe contraints de donner un coup de main aux opérateurs... « Pour l’encadrement, il n’est plus question que de performance, de compétitivité. On se fout des gens », considère le syndicaliste SUD qui garde un souvenir chagrin de l’entretien avec Franck Naro, le directeur de l’usine, en juillet, quelques jours avant la prise des vacances. « Il m’a dit textuellement : Il y a un chemin, je le vois, il faut que j’y arrive. Qu’est-ce qu’on fait de la santé des salariés ? »

Dégradation des conditions de travail
La dégradation des conditions de travail qui se serait amplifiée « cette année », disent d’une même voix les deux syndicalistes, coïncide, si surprenant que cela apparaisse de prime abord, avec la baisse de la production qui est passée de 52 véhicules/heure à 45. Auparavant, celle-ci était de 60 véhicules/heure. Comment se fait-il alors que le bât blesse ? Pascal Pottiez sort sa calculette : « Le DACS, la mesure de dispense d’activité des carrières spécifiques, a bénéficié à 603 salariés, auxquels s’ajoutent les 564 personnes détachées sur un autre site. Sur les 4 565 salariés à l’effectif vous retombez à 3 271, sachant qu’il y en a 1 483 autres susceptibles de partir avec l’élargissement depuis mars 2013 du champ d’application du DACS. En fait, nous ne sommes plus assez nombreux. » D’où les appels à la grève qui ont eu lieu ces derniers temps à l’appel de SUD et de la CGT. À la CFDT, on partage les mêmes préoccupations que les deux syndicats. Mais pas leur manière d’agir. « Nous, nous posons le problème auprès de la direction. Ce que nous avons fait lors du dernier comité d’entreprise. Les grèves à répétition ne résoudront rien », affirme Philippe Velu, délégué syndical central adjoint, représentant les sites de fabrication.

Et quand il fait chaud...
« On a un dispositif de distribution d’eau très au point en cas de grosses chaleurs et les grandes portes d’accès sont ouvertes pour ventiler les ateliers », commente Olivier Naveaux, responsable de la communication de l’usine Renault-Douai. Et puis, chaque jour, « il y a cinq minutes d’explication dans les UET (les unités de travail) avant la prise de poste. » Pour Pascal Pottiez, syndicat SUD, le problème est bien plus profond (lire ci-dessus). Même si, là encore, la proposition du syndicat s’est heurtée à un mur... d’incompréhension. « En comité d’entreprise, nous avons demandé deux fois cinq minutes de pause en plus quand il fait chaud », poursuit-il. Refus.

Pas d’expert
En juillet, SUD a attaqué sur un autre terrain : la nomination d’un expert auprès du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ceci pour confirmer que les conditions de travail ne sont pas ce qu’elles devraient être. Échec. Les syndicats majoritaires FO et CFE-CGC ont voté contre la demande d’expertise. « C’est à ne rien n’y comprendre quand on sait qu’il n’y a plus un seul poste disponible dans l’usine pour les salariés qui ne sont plus aptes physiquement à travailler sur chaîne », commente Pascal Pottiez qui affirme connaître « des gars de 57 ans » affectés à des UET. Tout cela aboutirait à un taux d’absentéisme « de 8 % pour le premier semestre 2013 ». « Je ne connais pas les chiffres », affirme pour sa part Olivier Nave
(*) : Pendant plusieurs mois, il y aura même sept modèles produits avec l’actuel Scénic et Mégane coupé-cabriolet.

Climat social tendu
« Nous vous sensibilisons sur le climat social qui règne dans l’entreprise. Nous devons retrouver une ambiance sereine pour aborder la future gamme 15/40, et en particulier l’arrivée du JFC (le nouvel Espace). » Extrait d’une lettre ouverte adressée à Franck Naro, directeur de l’usine, par la CGT. « Comment peut-on produire des voitures à plus de 40 000 €, qui exigent une attention de tous les instants, dans ces conditions ? » David Dubois s’interroge. Il ne faudrait pas que la pérennisation du site, certes à confirmer (va-t-on vers un succès ou un échec commercial ?), se transforme en Bérézina à peine le premier boulon vissé. Si Douai a décroché cinq modèles (Espace, nouvelle Laguna, Laguna break, nouvelle génération de Scénic court et Scénic long) sur la douzaine de la gamme 15/40, voire un sixième de chez Nissan, tout reste à faire. La CGT constate qu’il a fallu « presque un an et trois demandes de CHSCT pour poser un abaisseur de hayon et éviter que l’opérateur saute sur la chaîne » ou encore qu’il y a « des problèmes concernant la température du mastic, occasionnant des bouchons sur les pistolets et des cordons mastic non conformes. » D’où « une démotivation des salariés, des difficultés pour exercer leurs tâches et des troubles musculo-squelettiques. »

Rendez-vous judiciaire en septembre
- En 2011, SUD avait assigné l’entreprise Renault SAS devant le TGI de Douai au motif qu’un salarié du site douaisien n’avait pas le même traitement qu’un salarié d’un des sites de la grande région parisienne. SUD avait été débouté au motif que le coût de la vie est plus élevé là-bas qu’ici. L’affaire est rejugée en appel le 27 septembre.

Vers de nouvelles suppressions de postes ?
– Le syndicat CGT dit avoir eu connaissance d’un document mentionnant le fait que les 8 260 postes en moins annoncés sur les sites du groupe seraient portés à 10 288. Ce qui, selon lui, porterait à 1 483 les postes supprimés à Douai. « Il resterait 2 500 à 3 000 salariés », dit David Dub

Source (lavoixdunord.fr)

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