La nouvelle DUP "légale" en dix points

Posté le 5 avril 2016 | Dernière mise à jour le 18 mai 2021

La délégation unique du personnel élargie au CHSCT (DUP "légale"), mesure phare de la loi Rebsamen d'août 2015, peut en pratique être instituée depuis dix jours. Mise en place, fonctionnement, attributions, nombre d'élus, crédit d'heures, etc. Notre synthèse en dix questions/réponses. 1°) Qu'est-ce que la nouvelle "DUP légale" ?

Instituée par l'article 13 de la loi Rebsamen du 17 août 2015 (en lien sous l'article), la délégation unique du personnel "nouvelle version" regroupe : comité d'entreprise, délégués du personnel etCHSCT.

NB : il ne faut pas confondre cette instance avec la nouvelle possibilité de regrouper par accord les instances représentatives à partir du seuil de 300 salariés, aussi appelée "DUP conventionnelle".

À noter qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une fusion des trois instances : "les délégués du personnel, le comité d'entreprise et le CHSCT conservent l'ensemble de leurs attributions", est-il clairement indiqué.

En outre, la formule de la DUP est ouverte à davantage d'entreprises. Le seuil de mise en place est augmenté de 199 à 299 salariés au maximum.

Attention : le plafond des 299 salariés s'apprécie au niveau de l'entreprise. Cela signifie qu'un établissement de moins de 300 salariés relevant d'une société de plus de 300 salariés ne peut pas imposer d'autorité le regroupement des trois instances.

Et à notre sens l'effectif doit être calculé selon les règles applicables au comité d'entreprise.

2°) Qui décide de mettre en place la DUP ?

L'initiative d'instituer la DUP revient exclusivement à l'employeur. Après consultation des institutions représentatives existantes, l'employeur peut décider seul le passage à l'instance unique. Autrement dit, vous n'avez pas de droit de veto sur ce sujet.

À titre transitoire, la loi Rebsamen prévoit pour les entreprises qui ont déjà opté pour une délégation unique du personnel "ancienne version" la possibilité de maintenir cette formule dans la limite de deux cycles électoraux suivant la fin des mandats en cours.

Dans l'hypothèse de CE, DP et CHSCT strictement séparés, l'entreprise peut tout à fait opter pour lestatu quo et ne pas mettre en place de DUP.

3°) À quel moment peut-on instituer la nouvelle DUP ?

La direction peut imposer le passage en DUP lors de la mise en place ou du renouvellement de l'une des trois instances (c'est-à-dire lors de l'élection CE/DP ou de la désignation CHSCT).

La durée des mandats des délégués du personnel, des élus CE ou CHSCT peut être prorogée ou réduite "dans la limite de deux années de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la DUP", ajoute la loi.

Cas pratiques

Cas n°1 : Dans une entreprise de 250 salariés, le CE et les DP ont été élus le 1er janvier 2014 pour une durée de 4 ans. Le CHSCT doit quant à lui être renouvelé le 1er mai 2016. À l'occasion du renouvellement du CHSCT, l'employeur pourra opter pour un passage en nouvelle DUP. Et pour permettre le regroupement, la durée des mandats CE/DP sera réduite de 19 mois.

Cas n°2 : Dans une entreprise de 250 salariés également, le CE et les DP ont été élus le 1er août 2014 pour une durée de 4 ans. Le CHSCT doit être renouvelé le 1er mai 2016. Comme dans le premier exemple, l'effectif permet de mettre en place la nouvelle DUP. En revanche, la durée restante pour les mandats CE/DP au jour du renouvellement du CHSCT le mois prochain sera supérieure à 2 ans. À notre sens, la nouvelle DUP ne pourra dès lors pas être immédiatement instituée. La direction devra attendre le prochain renouvellement du CE et des DP en août 2018 pour instituer la DUP (inutile de réduire la durée du mandat au CHSCT car la loi prévoit que les mandats au CHSCT prennent désormais fin au même moment que ceux aux CE/DP).

4°) À quel niveau la DUP est-elle mise en place ?

Dans le cadre d'une entreprise mono-établissement, c'est simple : la DUP est mise en place pour l'entreprise. La DUP peut également être mise en place dans le cas d'une unité économique et sociale (UES). Dans ce dernier cas il faudra alors prendre soin d'apprécier les effectifs pour l'ensemble des entreprises qui composent cette UES.

Pour une entreprise à établissements multiples, trois hypothèses sont à envisager :

1°) tous les établissements emploient 50 salariés ou plus : une DUP est constituée dans chaque établissement, avec en outre une DUP centrale ;

2°) tous les établissements emploient moins de 50 salariés : une DUP unique est instituée au niveau de l'entreprise ;

3°) une partie seulement des établissements emploie 50 salariés ou plus : une DUP est constituée pour chaque établissement de 50 salariés et plus. Les plus petits établissements sont rattachés à l'un des "gros" établissements ou regroupés entre eux.

5°) Quel est le nombre de représentants à la DUP ?

Le nombre de représentants du personnels à la DUP est désormais fixé par l'article R. 2326-1 modifié du code du travail :

Effectif Nombre d'élus à la DUP
De 50 à 74 salariés 4 titulaires et 4 suppléants
De 75 à 99 salariés 5 titulaires et 5 suppléants
De 100 à 124 salariés 6 titulaires et 6 suppléants
De 125 à 149 salariés 7 titulaires et 7 suppléants
De 150 à 174 salariés 8 titulaires et 8 suppléants
De 175 à 199 salariés 9 titulaires et 9 suppléants
De 200 à 249 salariés 11 titulaires et 11 suppléants
De 250 à 299 salariés 12 titulaires et 12 suppléants

Chaque syndicat représentatif peut-il désigner un représentant syndical à la DUP élargie au CHSCT ? La loi est muette sur ce point, mais à notre sens la réponse est positive (au motif que chaque instance conserve au sein de la DUP ses règles de fonctionnement respectives). Dans ce cas, le délégué syndical est de droit le représentant syndical à la DUP.

6°) Quelle est la composition du bureau de la DUP ?

L'article L. 2326-4 du code du travail dispose que le secrétaire et le secrétaire adjoint exercent les fonctions dévolues au secrétaire du CE et au secrétaire du CHSCT. Le décret du 23 mars 2016 précise que ces deux élus sont choisis parmi les titulaires.

Faute d'indication supplémentaire, le fonctionnement du bureau de la DUP mérite d'être précisé par le règlement intérieur de l'instance (au moins pour identifier qui doit établir l'ordre du jour commun aux réunions et la rédaction des procès-verbaux).

L'instance doit aussi se doter d'un trésorier au comité d'entreprise.

7°) Quel est le crédit d'heures alloué aux membres de la DUP ?

Chaque élu titulaire à la délégation unique du personnel disposera d'un crédit d'heures de délégation unique pour accomplir ses multiples missions CE/DP/CHSCT.

Effectif Crédit d'heures retenu par le décret
De 50 à 74 salariés 18 heures par mois
De 75 à 99 salariés 19 heures par mois
De 100 à 299 salariés 21 heures par mois

Peut-on parler de diminution des droits de la représentation du personnel ? Du seul point de vue des moyens alloués à l'instance regroupée, on ne peut constater qu'un équilibre différent. Le nombre de représentants du personnel est réduit, c'est incontestable. Mais en contrepartie les crédits d'heures sont globalement revus à la hausse.

On observe donc une communauté de représentants du personnel moins nombreuse, mais avec une enveloppe globale d'heures de délégation plus généreuse (lire ici notre article pour une analyse plus complète accompagnée de nos tableaux comparatifs).

Cumul et partage des heures de délégation deviennent possible

La loi Rebsamen assouplit l'usage des heures de délégation et permet à l'élu de les cumuler sur 12 mois, sans pouvoir dépasser une fois et demie le crédit d'heures dont il dispose. Par exemple, l'élu de DUP qui aura 18 heures par mois ne pourra pas prendre plus de 27 heures de délégation dans le même mois (1,5 X 18 = 27).

Le décret précise à l'article R. 2326-3 nouveau plusieurs points relatifs à la mise en œuvre de ces dispositions, ainsi :

  • le représentant titulaire qui souhaite utiliser une ou plusieurs heures de délégation qu'il a cumulé au-delà de son crédit d'heures mensuel, doit informer l'employeur au plus tard 8 jours avant la date prévue pour leur utilisation ;
  • concernant la répartition d'une ou plusieurs heures de délégation, les membres de la DUP concernés informent l'employeur du nombre d'heures réparties au titre de chaque mois au plus tard 8 joursavant la date prévue pour leur utilisation. L'information de l'employeur se fait par un document écrit précisant leur identité ainsi que le nombre d'heures mutualisées pour chacun d'eux.

8°) Quelle est la périodicité des réunions de la DUP "légale" ?

La DUP ne doit se réunir qu'au moins une fois tous les deux mois, sur convocation de l'employeur. C'est un changement de taille par rapport à la réunion jusqu'ici mensuelle. Au moins quatre de ces réunions plénières doivent porter en tout ou partie sur des sujets relevant des attributions du CHSCT.

Nous pensons que les membres de la DUP peuvent demander une réunion extraordinaire selon les mêmes modalités que les membres du CE, et que les dispositions relatives à la réunion en cas de danger grave et imminent trouvent aussi à s'appliquer.

Les suppléants à la DUP participent aux réunions avec voix consultative (ndlr : il a été un temps envisagé que les suppléants ne participent aux réunions qu'en cas d'absence de titulaires. Cette mesure n'a finalement pas été retenue par le Parlement).

9°) Quelles sont les attributions de la DUP ?

Au sein de l'instance regroupée, il faut continuer à exercer les prérogatives propres au comité d'entreprise, au CHSCT et aux délégués du personnel. Lorsqu'une question relevant de la compétence d'au moins deux instances est évoquée, la DUP émet un avis unique (dans le respect des délais "préfix" qui s'imposent depuis le 1er janvier 2014 au comité d'entreprise).

L'article L. 2326-5, cinquième alinéa, prévoit que lorsqu'une expertise porte à la fois sur des sujets relevant des attributions du comité d'entreprise et des sujets relevant des attributions du CHSCT, la DUP a recours à une expertise commune. Le décret du 23 mars en fixe les modalités, ainsi :

  • l'expertise commune donne lieu à l'établissement d'un rapport d'expertise commun ;
Il s'agit donc bien d'un rapport d'expertise commun mais pas forcément d'une expertise commune comme pouvait le laisser à penser la lettre du texte. En effet, les experts CE et CHSCT ne sont pas les mêmes, et tous les cabinets ne réunissent pas forcément expert-comptable et expert agréé CHSCT. Il sera donc possible d'avoir recours à plusieurs cabinets, reste à déterminer les modalités de production de ce rapport d'expertise commun, sur lesquelles le décret est muet.
  • la prise en charge par l'employeur des frais des experts ainsi que, le cas échéant, les contestations relatives à l'expertise se font selon les règles propres à l'expertise du CE et à celle du CHSCT ;
  • l'employeur ne peut s'opposer à l'entrée des experts dans l'établissement et il leur fournit les informations nécessaires à l'exercice de leur mission ;
  • les experts sont tenus aux obligations de secret et de discrétion applicables aux expertises CE etCHSCT ;
  • le rapport commun d'expertise est remis au plus tard 15 jours avant l'expiration du délai dans lequel la DUP est réputée avoir été consultée.

10°) Dans quels cas peut-on revenir à des instances séparées ?

La nouvelle délégation unique du personnel peut être supprimée dans trois cas :

  • si l'employeur souhaite, à l'échéance des mandats et après avis des élus, revenir à des instances séparées ;
  • si l'effectif de 50 salariés n'est pas atteint pendant 24 mois, consécutifs ou non, au cours des trois ans précédant le renouvellement de la DUP ;
  • si, à l'échéance des mandats, l'effectif est passé au-dessus du plafond de 299 salariés.

Julien François (Actuel Editions Legislatives)