Harcèlement moral : ce qu’il faut savoir représentants du personnel

Posté le 20 janvier 2017 | Dernière mise à jour le 12 mai 2020

Harcèlement moral : ce qu’il faut savoir représentants du personnel

 

Lorsqu'un salarié est victime de harcèlement moral au travail, il ne sait pas toujours vers qui se tourner. Mais dans l'entreprise les représentants du personnel, que ce soit les DP, les membres du CE ou du CHSCT, ont chacun un rôle à jouer. Ils sont en mesure d'agir en amont et disposent également de différents outils pour trouver dessolutions et faire cesser la situation qui affecte le salarié. Connaissez-vous bien tous vos moyens d'action pour prévenir et lutter contre le harcèlement moral au travail ? Voici toutes les pistes que vous pouvez exploiter.

Rappelons que le harcèlement moral est un délit passible de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (1). Au travail, le harcèlement moral est défini comme des agissements répétés qui conduisent à une dégradation des conditions de travail, portent atteinte à la dignité et aux droits du salarié qui voit alors sa santé physique ou mentale impactée et son avenir professionnel compromis(2).

Quels sont les interlocuteurs que le salarié peut contacter dans l'entreprise pour l'aider face à une telle situation ? Chaque représentant du personnel a un rôle à jouer car tous œuvrent  pour le bien être au travail à leur façon.

Les DP disposent de plusieurs moyens d'action face à une situation de harcèlement moral :

  • La présentation des réclamations individuelles et collectives des salariés.

Les délégués du personnel sont en charge de la présentation à l'employeur des réclamations individuelles et collectives des salariés (3). A ce titre, ils peuvent donc faire état de situations subies par les salariés s'ils le souhaitent lors des réunions mensuelles avec l'employeur (4).

Les DP peuvent poser des questions de manière anonyme, le salarié peut donc être rassuré sur ce point (même si, selon les détails fournis, parfois la situation est identifiable). Ils doivent faire preuve d'écoute et de bienveillance envers le salarié. Ils doivent se concerter pour présenter au mieux la situation, en respectant les intérêts de la victime.

Les représentants du personnel en général sont des témoins de ce qui se passe dans l'entreprise. Ils sont donc utiles aux salariés à ce titre puisqu'ils sont en mesure de constater et d'attester des agissements subis, des atteintes aux droits et des conditions de travail pour savoir si cela relève du harcèlement moral ou non. Ils doivent donc être attentifs, vigilants et à l'écoute de tous le personnel.

  • Saisir l'inspection du travail.

Les DP peuvent saisir l'inspection du travail en cas de plaintes ou d'observations relatives au non-respect des dispositions légales applicables dans l'entreprise (5).

Les DP font donc remonter les situations critiques dont ils ont connaissance. Ils doivent bien sûr recueillir l'accord du salarié victime pour pouvoir mentionner son nom et les détails des agissements qu'il subit dans le cadre du travail.

  • Le droit d'alerte.

Les DP veillent au respect des droits et des libertés individuelles de chacun dans l'entreprise. S'ils ont connaissance d'une atteinte à ces droits, ils disposent d'un droit d'alerte(6). Il s'agit d'un signalement fait auprès de l'employeur pour attirer son attention sur une situation grave qui se déroule dans l'entreprise comme une discrimination ou du harcèlement moral ou sexuel par exemple.

Il n'est pas nécessaire d'attendre les réunions mensuelles avec l'employeur pour exercer ce droit. Dès qu'ils ont connaissance d'une situation et d'une atteinte aux droits et libertés individuelles d'une personne, les DP en avertissent l'employeur.

Le droit d'alerte, une fois activé, oblige l'employeur à procéder immédiatement à une enquête avec le délégué. Il doit prendre toutes les mesures qui permettront de faire cesser la situation.

A défaut de solution trouvée ou en cas de carence de l'employeur, le DP avertit par écrit le salarié de son intention de porter l'affaire en justice. Si le salarié averti ne s'y oppose pas, le DP pourra saisir le conseil de prud'hommes en référé (il s'agit de la procédure d'urgence) et le bureau de jugement pourra ordonner toutes les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble subi par le salarié (7). Le DP n'a pas besoin de mandat exprès pour agir : l'absence d'opposition du salarié averti par écrit de l'intention de saisir les juges dans le cadre du droit d'alerte suffit (8).

Le comité d'entreprise

Même si a priori, la question du harcèlement moral semble concerner davantage les DP ou le CHSCT, sachez qu'en tant que membre du CE, vous avez également la possibilité d'agir et d'aider les salariés victimes de dégradations de leurs conditions de travail. En effet, le CE a pour objectif d'assurer l'expression collective des salariés et la prise en compte de leurs intérêts dans les décisions relative à l'organisation du travail notamment (9). Les conditions de travail et l'emploi, ainsi que la politique sociale de l'entreprise font l'objet d'une consultation annuelle du comité (10).

  • L'enquête et l'expertise.

Les membres du CE peuvent participer à l'enquête menée par l'employeur qui a été saisi par un salarié ou des représentants du personnel (comme les DP par exemple dans le cadre de leur droit d'alerte) d'une situation de harcèlement.

Dans le cadre de son activité, le CE peut également faire appel à des experts libres, rémunérés sur son budget de fonctionnement pour l'aider et le conseiller (11). Ainsi, le CE, dans le cadre de ses travaux préparatoires pour les réunions avec l'employeur portant sur la formation professionnelle dans l'entreprise par exemple, ou encore sur l'étude des indicateurs de la BDES, peut recourir à un expert pour qu'il l'aide à formuler des propositions d'action de prévention ou de formation en matière de harcèlement moral.

  • La commission égalité professionnelle.

Dans les entreprises de plus de 300 salariés, une commission de l'égalité professionnelle doit être mise en place au sein du CE (12). En plus de la préparation du rapport annuel sur l'égalité professionnelle, elle a notamment pour mission d'examiner le bilan social et tout problème de discrimination femmes/hommes.

Le thème du harcèlement moral rentre donc dans ses attributions à ce titre. Elle peut donc inclure des recommandations et suggestions dans ses travaux et rapports pour proposer des actions de prévention ou de formation à mettre en place.

Le CHSCT

C'est l'instance de référence à laquelle on pense tout de suite pour toutes les problématiques relatives à l'hygiène, à la sécurité, aux conditions de travail et donc par conséquent pour tout ce qui est lié au harcèlement moral et sexuel.

Le CHSCT peut agir en amont pour éviter, prévenir ou sensibiliser au harcèlement moral, et également une fois que la situation lui a été rapportée.

  • La formation et la sensibilisation.

La mission du CHSCT est de veiller à assurer et améliorer la protection de la santé des travailleurs ainsi que leurs conditions de travail (13).

Dans le cadre de cette mission, les membres du CHSCT peuvent proposer des actions de prévention et de sensibilisation sur des thématiques concernant l'hygiène et la sécurité et donc plus particulièrement sur le harcèlement moral. Des ateliers peuvent être mis en place et proposés aux managers et salariés pour apprendre à éviter ces situations, savoir comment réagir face à une dénonciation de harcèlement et les actions possibles à mettre en place. Ils peuvent aussi être utiles pour connaître l'identité et le rôle de tous les interlocuteurs et organismes susceptibles d'aider

Ces actions peuvent être identifiées et mises en place après analyse du rapport annuel communiqué au CHSCT(14). Ce rapport mentionne notamment le nombre d'arrêts maladie, de mutations et de démissions qui peuvent être de précieux indices pour identifier une situation anormale dans un service par exemple. Le turn-over, la hausse de l'absentéisme, les conflits au travail sont autant de signes qui doivent donner l'alerte et être analysés pour pouvoir proposer des actions de prévention et de formation afin d'éviter toute situation dramatique.

  • Le droit d'alerte.

Le membre du CHSCT qui a connaissance d'une situation de danger grave et imminent pour la santé et la sécurité des travailleurs dispose d'un droit d'alerte(15). Il convient, dans un tel cas, de prévenir immédiatement l'employeur par écrit. Ce dernier doit alors procéder à une enquête avec le membre à l'initiative de la procédure afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser la situation (16).

  • L'inspection et l'expertise.

Le CHSCT doit procéder régulièrement à des inspections dans l'entreprise pour contrôler les conditions de travail et le respect de la législation relative à l'hygiène et la sécurité des salariés sur le lieu de travail (17).

En cas de difficultés particulières, le CHSCT peut faire appel à un expert qui lui permettra d'analyser la situation et de l'aider à trouver les solutions qui permettront de faire cesser la situation de harcèlement si cela est possible. L'expert peut également être sollicité pour accompagner le CHSCT dans le cadre de l'enquête mise en place après la dénonciation de la situation de harcèlement.

Sachez que dans le cadre du harcèlement moral, des intervenants extérieurs à l'entreprise peuvent également aider les salariés : il s'agit par exemple du médecin du travail, du médecin traitant ou des associations d'aide aux victimes qui proposent des services d'information juridique ou un suivi psychologique dispensés par des spécialistes en la matière. Les victimes peuvent également prendre les conseils d'un avocat pour les aider à clarifier leur situation et se renseigner sur leurs droits.

Par Lucie De Lestable, Juritravail (lire l'article original)

 
Références :

(1) Article 222-33-2 du Code pénal

(2) Article L1152-1 du Code du travail

(3) Article L2313-1 du Code du travail

(4) Article L2315-8 du Code du travail

(5) Article L2313-1 du Code du travail

(6) Article L2313-2 du Code du travail

(7) Cass. soc., 28 mars 2006, n°04-41016

(8) Cass. soc., 24 septembre 2014, n°13-14970

(9) Article L2323-1 du Code du travail

(10) Article L2323-6 du Code du travail

(11) Article L2325-41 du Code du travail

(12) Article L2325-34 du Code du travail

(13) Article L4612-1 du Code du travail

(14) Article L4612-16 et L4612-17 du Code du travail

(15) Article L4131-2 du Code du travail

(16) Article L4132-1 du Code du travail

(17) Article L4612-4 du Code du travail