Déménager ses bureaux, une opération à hauts risques

Posté le 14 août 2013 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctLa SNCF a achevé la première vague du déménagement de milliers d'employés vers la Seine-Saint-Denis. Avant elle, d'autres grands groupes ont tenté ces transhumances, souvent mal vécues par les salariés.

Comme souvent, la direction a attendu que les bureaux soient déserts. C'est en plein coeur de l'été, fin juillet, que la SNCF a commencé à déménager quelques centaines de salariés, installés dans le XIVe arrondissement de Paris, vers son nouveau site de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), à douze kilomètres de là. La première vague s'est achevée ce week-end. D'ici 2015, quelque 3000 salariés du groupe auront suivi le même chemin, dont les cadres supérieurs de la présidence, de la DRH ou de la direction financière.

Orange, Suez, LCL... D'autres grandes entreprises anciennement parisiennes ont cédé ces dernières années aux sirènes de la banlieue. Ses atouts: des loyers moins chers et des locaux plus "verts". Mais les employés partagent rarement l'enthousiasme de leurs directions. A la SNCF, une pétition circulait dès 2012 contre un déménagement qualifié "d'imposé". Il y a quelques semaines encore, les salariés appréhendaient des temps de trajet allongés et d'éventuels problèmes de sécurité.

Pour être valide, la clause de mobilité inscrite dans les contrats de travail doit délimiter la zone géographique à laquelle elle s'applique. La loi ne fixe pas de distance maximale pour un déménagement, mais précise que le déplacement "ne doit pas porter atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale". Dans les faits, il arrive que des salariés voient leur temps de trajet doubler, notamment, en Ile-de-France: les "banlieusards" doivent parfois transiter par Paris, faute de liaison entre les villes de périphérie.

Manque de communication
S'ajoute à ces désagréments une perte de repère au travail que certains experts comparent à un véritable deuil. "Les salariés s'habituent à un cadre de vie, à un type de fonctionnement de leur organisation, et vivent le déménagement comme un saut vers l'inconnu", note Bruno Gourévitch, associé chez Altaïr, cabinet de conseil en organisation et en conduite du changement.
Pour ne rien arranger, les directions pèchent souvent par manque de communication. Les employés ne connaissent parfois du futur lieu de travail que le nom de sa ville, sans détails sur les locaux, l'emplacement, le quartier. D'où leurs appréhensions sur les difficultés de transport ou la sécurité. Ils manquent aussi d'informations sur l'organisation intérieure des bureaux: l'équipement informatique sera-t-il le même? Quid des salles de réunion? Les open spaces auront-ils remplacé les bureaux individuels?

Car la crainte revient souvent que le déménagement ne camoufle une réorganisation plus vaste des activités ou des conditions de travail. Lors du déménagement conflictuel d'Atos à Bezons (Val d'Oise) en 2010, les représentants du personnel dénonçaient un recours accru au télétravail et l'introduction du desk sharing, pratique destinée à rentabiliser l'espace en installant moins de postes de travail que de salariés.
"Déménager modifie le confort personnel mais aussi les conditions de travail des salariés, confirme Bénédicte Haubold, fondatrice du cabinet Artélie. L'entreprise profite souvent de ce moment pour se réorganiser. Pour beaucoup de salariés, cela se traduit par le passage au travail en open space et la modification du contenu de certaines missions."

Une visite du chantier
Démissions, démotivation, stress ou absentéisme comptent parmi les effets pervers d'un déménagement mal préparé. D'après France Inter, quelques dizaines de cadres de la SNCF auraient d'ailleurs refusé de suivre leur direction à Saint-Denis. Et "quand des salariés ont du mal à s'accoutumer à leur nouvel espace, l'entreprise perd en productivité, prévient Bruno Gourévitch. On perd du temps à trouver les bonnes personnes parce qu'on ne sait plus où sont leurs bureaux et l'information circule mal." Les séquelles peuvent être durables. "Il arrive que les salariés parlent encore d'un déménagement mal mené après plusieurs années", observe Bénédicte Haubold.

La solution pour limiter la résistance au changement: "Dialoguer avec les syndicats, faire participer les salariés au projet, détaille Bruno Gourévitch. Si ça n'est pas fait en amont, cela se paiera par un durcissement du climat social." Concrètement, "des groupes de travail doivent rassembler des salariés représentatifs de l'entreprise -non seulement des managers mais aussi ceux qui vont travailler dans les open space- pour donner leur avis sur la configuration des locaux et l'organisation du travail, préconise Bénédicte Haubold. Il faut assurer leur pérennité plusieurs semaines après le déménagement pour identifier les éventuels problèmes et les résoudre."

"Faire visiter aux salariés les bâtiments, même en chantier, leur présenter les nouveaux espaces sociaux comme des lieux de détente, une cafétéria ou une crèche, est une bonne idée", juge aussi Bruno Gourévitch. Le comité d'entreprise est également saisi lors d'un déménagement, et le comité d'hygiène et de sécurité (CHSCT) peut plancher sur les risques pour les salariés. Une fois achevée la construction ou l'acquisition du bâtiment, préparer l'aménagement intérieur des locaux peut durer de trois à six mois.
Un bon exemple à suivre, à en croire l'expert: celui de la direction générale de la gendarmerie nationale qui a regroupé 1300 personnes à Issy-les-Moulineaux, en 2012, dans un gigantesque complexe. "Les gendarmes ont été sollicités en amont pour préparer l'implantation, des moniteurs vidéos ont été installés dans les locaux pour permettre de se repérer et de trouver les différents services, explique Bruno Gourévitch. La preuve que cela s'est bien passé, c'est que personne n'en a parlé."

Source (lexpress.fr)

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