Achères : 7 ans après son accident du travail, elle doit tout rembourser

Posté le 27 avril 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

 

Achères (78). Condamnée, en cassation, à rembourser son ex-employeur, Emilia Leite-Riberto sait que les huissiers peuvent arriver n’importe quand pour lui prendre ses meubles. Un avis de vente aux enchères a déjà été établi…depuis jeudi 7 avril. (LP/S.B.)

            « Je ne dors plus la nuit ». A 60 ans,Emilia Leite-Ribeirose retrouve prise depuis bientôt 7 ans dans un imbroglio judiciaire qui fait de sa vie « un enfer ».

Tout débute en 2009, quand cette habitante d’Achères, qui travaille à la fois en tant que coursière et femme de ménage pour un bijoutier parisien, est victime d’un accident du travail.

« Je transportais chez des clients ou depuis la douane des millions d’euros en bijoux dans de grands sacs très lourds, toujours à pied ou en transports en commun, raconte-t-elle. Un jour, le métro a freiné brusquement et ma jambe a tapé le siège ». Diagnostic des médecins : fracture du genou. Mais les arrêts dictés par son docteur et les avis de la médecine du travail qui préconisent un reclassement dans l’entreprise en raison de son handicap, finissent par l’amener au conflit avec son employeur. Le tribunal des Prud’hommes, saisi fin 2009, donne gain de cause à la plaignante en imposant au bijoutier le paiement de ses salaires sur plusieurs mois, mais aussi des dommages et intérêts et le remboursement des frais de justice. Une décision confirmée en appel en 2010.

Mais les avocats de l’employeur, qui parlent de leur côté d’un abandon de poste, ne désarment pas et portent l’affaire en cassation. En 2012, le jugement est ainsi cassé pour une question de procédure. Une douche froide pour l’ex-coursière puis carrément glacée quand le TGI de Versailles la condamne en octobre 2015 à rembourser l’intégralité des sommes perçues. Soit près de 27 000 € à régler immédiatement, le juge de l’exécution refusant de lui accorder un délai de paiement.

« On me demande ce que j’ai fait de l’argent mais pas comment j’ai vécu pendant des années sans salaire », déplore-t-elle, la gorge nouée. Un huissier a été dépêché à son domicile, un modeste appartement au 4e étage, afin de dresser l’inventaire de ses biens : « une table, un canapé usé mais qui me sert bien, des commodes et une armoire » - ainsi que sa télévision déjà obsolète.

Le sénateur PRG Philippe Esnol intervient en sa faveur

Dans sa détresse, Emilia Leite-Ribeiro a reçu un soutien de poids en la personne du sénateur PRG Philippe Esnol. « Cette affaire est scandaleuse », clame l’ancien maire de Conflans, qui a décidé de se tourner directement vers le président du tribunal de grande instance et le ministère de la justice en espérant « qu’ils interviendront au moins sur les modalités de remboursement ». Selon le parlementaire, « on se retrouve face à un dysfonctionnement majeur de la justice qui condamne cette travailleuse modeste sur une erreur de procédure alors qu’aucune faute ne lui est imputable et qui lui impose de rembourser dans l’urgence une bijouterie parisienne aux moyens illimités. C’est le monde à l’envers ! »

Emilia a déjà reçu l’avis de vente aux enchères de ses biens, dont elle s’attend, dans l’angoisse, à la saisie à tout moment. « Dès que je croise un inconnu en bas de chez moi, je me dis qu’on va venir casser la porte, lâche-t-elle dans un sanglot. On n’a jamais été riches mais j’ai toujours eu une table sur laquelle manger. Là, je ne l’aurais même plus. J’ai travaillé toute ma vie en étant considérée comme une employée modèle. Je ne comprends pas ce qu’on me reproche. Si seulement j’avais volé ou fait quelque chose de mal… »

Sébastien Birden (Le Parisien)